Publié le Jeudi 8 décembre 2022 à 00h15.

Le syndrome du patron de gauche, d’Arthur Brault-Moreau

Éditions Hors d’atteinte, 224 pages, 19 euros.

SalariéEs d’associations de solidarité mais aussi de fondations, d’organisations politiques ou de syndicats, ils et elles sont des centaines de milliers à travailler pour autre chose qu’une entreprise, dans un but non lucratif et sont réputés animés par la satisfaction de concilier le fait d’occuper un emploi et un engagement au service de valeurs communes avec leur employeur.

Employeur ou ami ?

Arthur Brault-Moreau a été l’un d’entre eux, collaborateur d’une élue politique de gauche, et fait non seulement partager, dans un petit livre alerte, son expérience, marquée par la déception, mais l’élargit suite à une enquête menée auprès de dizaines d’autres ­salariéEs concernés.

Sous-titré « Manuel d’anti-management », l’ouvrage met à mal la vision idéale qu’on a de ces patrons pas comme les autres, à commencer par le fait qu’ils et elles rebutent le plus souvent à se définir comme tel, c’est-à-dire à exercer, majoritairement de manière bénévole et au nom des membres de la structure dont fait généralement partie le personnel, un lien de subordination quand ce dernier n’est pas tout bonnement dilué dans la responsabilité de l’organe dirigeant.

Les conflits inhérents à la relation de travail sont aussi exacerbés par la rupture du lien de confiance/l’altération des valeurs poursuivies entre employeur et employéE et souffrent, le plus souvent, de l’absence d’espaces d’expression à même de les réguler. La structure a alors la tentation de se dérober en renvoyant à des questions de personnes là où il s’agit en fait de problèmes de fonctionnement donc politique : c’est là qu’apparaît la dissonance cognitive dont le « left washing » est le stade ultime, le ou la salariéE étant sommé de choisir entre son travail et l’attachement à son engagement.

Les cordonniers les plus mal chaussés ?

La solution serait d’abord d’assumer pleinement la relation contractuelle qui les unit, à commencer par le respect du code du travail et la mise en place de garde-fous internes, pour encadrer les horaires à rallonge ou décalés, toujours au nom de la cause à servir, mais aussi prendre en compte les risques psycho-sociaux pour éviter le burn-out militant : la plupart d’entre elles et eux ne sont pas, contrairement au salariat classique, couverts par une convention collective qui permettrait entre autres d’objectiver les différences de rémunération qui peuvent exister et de définir précisément les responsabilités occupées.

L’auteur clôt sa démonstration par un appel à s’organiser collectivement, y compris par l’action syndicale, les salariéEs devant être à même de questionner de manière indépendante la mise en adéquation du projet porté par la structure et les pratiques déployées en interne à cet effet là où, comme l’a dit Gandhi : « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde. »

La lecture du livre se complète par un test enrichissant à réaliser soi-même ou avec ses collègues pour vérifier si son patron est atteint ou non du syndrome en question... et pouvoir ainsi rééquilibrer les rapports avec lui !