Publié le Mercredi 28 avril 2021 à 10h08.

« Dernière chance » pour le climat ou pour le capitalisme vert ?

En initiant un sommet international sur le climat, Joe Biden affiche sa volonté de tourner la page climato-sceptique de Donald Trump. Au lendemain de son investiture, il avait annoncé le retour des États-Unis dans l’Accord de Paris ; avec le sommet qui s’est tenu les 22 et 23 avril, il veut s’affirmer comme le maître d’œuvre des discussions climatiques mondiales. Comme il y a beaucoup à rattraper, il faut parler fort : « Nous sommes dans une course pour surmonter la crise existentielle de notre époque […]. C’est la décennie décisive. »

Les années Trump ont été calamiteuses, marquées non seulement par les déclarations provocatrices et la sortie de l’Accord de Paris, mais aussi par l’accélération des projets climaticides et le sabotage des outils scientifiques pour la biodiversité et le climat. Pour marquer la rupture, en préambule du sommet, la puissance invitante s’engage donc à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 50 à 52 % d’ici 2030 par rapport à 2005, doublant ainsi les engagements précédents pris lors de la COP21.

Nouveaux engagements

En cascade, d’autres annoncent aussi des rehaussements de leurs engagements : l’Union européenne adopte l’objectif pour 2030 d’une réduction nette « d’au moins » 55 %, un relèvement par rapport à l’engagement d’au moins 40 % pris en 2014. Le Canada passe de – 30 % à entre – 40 et – 45 % d’émissions en 2030, le Japon de – 26 % à – 46 %… La Chine avait déjà annoncé le pic de la consommation du charbon pour 2025 et la baisse de ses émissions avant 2030. Jusqu’à Jaïr Bolsonaro qui fait miroiter la neutralité carbone du Brésil en 2050 et l’engagement à « éliminer la déforestation illégale d’ici 2030 » alors même la destruction de l’Amazonie et les persécutions contre les peuples autochtones se poursuivent de plus belle !

Ce sommet confirme le tournant des dirigeants du capitalisme mondial, chefs d’États ou de multinationales. Une nouvelle unanimité se fait pour revoir à la hausse les ambitions en vue de la COP26 (du 1er au 12 novembre 2021 à Glasgow).

Impossible effectivement d’ignorer plus longtemps le gouffre qui sépare l’objectif fixé lors de la COP21 en 2015 à Paris de « maintenir le réchauffement bien au-dessous de 2 °C tout en continuant les efforts pour ne pas dépasser 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle » et les engagements des États qui conduisaient à un réchauffement de 3,3 °C d’ici 2100.

« Nous ne sommes pas dupes »

Au risque de casser l’ambiance, rappelons que, selon le GIEC, le scénario qui donne 50 % de chances de maintenir le réchauffement sous les 1,5 °C sans géo-ingénierie exige une baisse des émissions nettes dans le monde de 58 % en 2030 par rapport à 2010 ; ce qui signifie, au vu de leurs responsabilités historiques, au minimum une réduction de 65 % dans l’Union européenne – soit 10 points de plus que l’objectif de 55 % que l’UE est si fière d’afficher – et d’environ 70 % aux États-Unis.

Macron, qui joue au premier de la classe sur la scène internationale, constitue une bonne mesure de la sincérité des engagements. Il est dénoncé avec raison par un collectif de jeunes engagés pour le climat, « Nous ne sommes pas dupes » : « Voir le gouvernement et la majorité se féliciter de cette loi climat représente pour nous le comble de l’indécence. Si l’autocongratulation permettait de réduire les émissions de gaz à effet de serre, nul doute que ce gouvernement nous aurait déjà libérés de la crise climatique ».

Le capitalisme est incompatible avec la décroissance nécessaire de la production matérielle et des transports. Les seules « solutions » envisageables par ses dirigeants s’appuient sur le marché, le rôle de la finance et un coût pour le carbone vantés par Macron, ou « la création d’un marché carbone pour le transport et le bâtiment » promue par la présidente de la Commission européenne.

La chance pour la justice sociale et climatique ne réside pas dans ces sommets, elle « ne peut venir que des luttes des peuples » (Greta Thumberg). Raison de plus pour réussir les Marches Climat du 9 mai prochain.