Publié le Mercredi 3 mars 2021 à 09h47.

Au Portugal, solidarité avec Mamadou Ba

« En chair et en os avec Mamadou Ba » : pour contrecarrer les faux profils et bots utilisés par l’extrême droite sur les réseaux sociaux, tel est le nom d’une campagne de solidarité qui en quelques jours a mobilisé des centaines de personnes, envoyant des vidéos, des textes, des chansons ou d’autres formes de participation en un mouvement de réponse virtuelle collective au racisme et aux persécutions contre des activistes antiracistes au Portugal.

Cette campagne a été une façon créative de surmonter les difficultés imposées par la pandémie (le pays est en confinement depuis la fin 2020) afin de répondre à une pétition exigeant l’expulsion de Mamadou, qui a obtenu 15 000 signatures (dont beaucoup sont fausses). Jour après jour arrivent encore des contributions multiples, soit de personnes inconnues, soit d’artistes, de journalistes, d’hommes et femmes politiques et de militantEs bien connus.

Pression de l’extrême droite

Mamadou Ba est un camarade de la Quatrième Internationale au Portugal. Il milite pour la cause des noirEs depuis des dizaines d’années. Il est né au Sénégal et agit tout particulièrement au sein de cette communauté, mais il a la nationalité portugaise. Du fait de son rôle de porte-parole de l’organisation antiraciste SOS-Racisme, Mamadou a fréquemment été la cible de campagnes et de menaces venant de l’extrême droite, avec le soutien d’entreprises qui fabriquent des bots et des faux profils, des manipulations de vidéos et des fausses nouvelles visant les militantEs antiracistes, et aussi les premières femmes noires élues députées au Parlement. Plus récemment, une pétition exigeant son expulsion du pays a atteint 15 000 signatures (dont beaucoup sont fausses).

Ce qui distingue cette pétition des autres est l’écho qu’elle a obtenu dans les médias, qui une fois de plus ont répandu de manière acritique les récits de l’extrême droite, à un moment où le candidat du parti d’extrême droite Chega a montré son potentiel de croissance en obtenant plus de 11 % des voix à l’élection présidentielle du 24 janvier (contre 1,9 % lors des précédentes élections législatives, où il avait fait entrer un seul député au Parlement).

Honorer des criminels de guerre ?

Cette attaque particulière contre Mamadou Ba a pris place dans le contexte de la mort de Marcelino da Mata, le militaire le plus décoré de l’armée portugaise, qui a servi dans plus de 2 000 opérations de guerre coloniale en Guinée, dont certaines ont été qualifiées comme crimes de guerre pour lesquels le Portugal a été condamné par les Nations unies. C’était un Guinéen qui combattait du côté du pouvoir colonial. Da Mata, qui se vantait de ses actes de torture et était un militant d’extrême droite, est mort le 18 février des suites de la Covid, à l’âge de 80 ans. Un autre parti de l’opposition de droite, le CDS-PP, qui lutte pour sa survie face à la montée de Chega, a proposé au Parlement portugais de voter un jour de deuil et d’expulser Mamadou Ba du groupe de travail gouvernemental sur le racisme.

Ba est l’une des personnalités qui ont combattu cet hommage à un criminel de guerre qui a collaboré avec le régime fasciste de Salazar. Mais en tant que militant noir, c’est contre lui qu’est dirigée la plus importante campagne de haine.

Bien que la pétition demandant son expulsion du pays n’obtienne guère de succès, cela ne retire rien à notre devoir de manifester notre solidarité avec lui en particulier et de condamner les instigateurs de la haine raciste. Avec Mamadou Ba et beaucoup d’autres, nous sommes d’accord : Marcelino da Mata est un criminel de guerre qui ne mérite aucun respect.

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