Publié le Jeudi 25 mai 2023 à 12h00.

États-Unis : les affrontements politiciens sur les finances publiques menacent les pauvres

La lutte entre les partis républicain et démocrate au sujet du plafond de la dette nationale menace les programmes sociaux en faveur des pauvres.

Le chef de file de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, qui parle au nom des Républicains majoritaires à la Chambre, laquelle contrôle le budget du pays, a menacé de refuser de relever le plafond de la dette nationale, c’est-à-dire le montant que le pays peut emprunter, s’il n’y a pas de coupes dans le budget, et son parti préconise de réduire les fonds destinés à la garde d’enfants et aux soins de santé qui vont aux citoyenEs les plus pauvres du pays. L’ancien président Donald Trump a bien sûr dit aux Républicains : « Ne vous couchez pas ! »

Défaut de paiement ?

Si la majorité républicaine refusait effectivement de lever la limite de la dette d’ici le 1er juin, les États-Unis pourraient se retrouver en défaut de paiement, ce qui pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l’économie étatsunienne et mondiale. Si les Démocrates acceptaient les exigences des Républicains en matière de réductions budgétaires pour les pauvres, cela constituerait une violation du programme et des promesses du parti et une défaite pour le président Joseph Biden, alors que le pays se prépare à l’élection présidentielle de 2024.

Le plafond de la dette et le budget n’ont pas toujours été liés ; chacun est une question distincte qui est généralement traitée séparément. En liant les deux, les Républicains ont créé un puissant levier pour extorquer au Congrès et à Biden les coupes budgétaires qu’ils exigent. La politique des Républicains est simple et grossière — réduire les impôts surtout des riches et des grandes entreprises (même si cela réduit les recettes du budget) et les dépenses des services sociaux.

« Une proposition dévastatrice »

Les économistes, les politiciens et le public s’inquiètent du rapport entre la dette et le produit intérieur brut (PIB), qui ne cesse de croître. Les États-Unis ont une dette de 31,46 billions de dollars, mais surtout le rapport entre la dette et le PIB atteint 134,84 % en 2020, soit plus que pendant la Seconde Guerre mondiale. La dette finance en grande partie le budget fédéral des États-Unis, dont 50 % sont consacrés aux dépenses militaires, alors que la santé n’en représente que 5 %, l’éducation 7 % et l’alimentation et l’agriculture 1 %. La moitié du budget du Pentagone est considérée comme intouchable par les deux partis : le budget militaire de Biden est pratiquement le même que celui de Trump. Les Républicains, qui se revendiquent de responsabilité budgétaire, veulent réduire le budget des programmes de santé et d’alimentation.

« Il est absurde de présenter une proposition qui aura pour effet de priver les enfants de services de garde et de soins de santé, et qui sera dévastatrice pour les personnes âgées », a déclaré le sénateur Bernie Sanders, l’indépendant progressiste du Vermont. « On ne peut pas nous faire chanter pour que nous équilibrions le budget sur le dos des plus vulnérables et que nous laissions les plus aisés tranquilles. » Alexandria Ocasio-Cortez, une Démocrate progressiste, pense que McCarthy sera incapable de rassembler une majorité pour ­bloquer le plafond de la dette.

Bras de fer

Sanders et d’autres sénateurs progressistes ont fait circuler une lettre demandant à Joe Biden d’ignorer le vote du Congrès sur le plafond de la dette et d’ordonner simplement l’augmentation de la dette nationale par décret. Ils affirment que le président pourrait le faire en s’appuyant sur le quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis. Adopté en 1868 après la guerre de Sécession et l’abolition de l’esclavage, cet amendement garantit l’égalité des droits à tous les hommes (et non aux femmes). Mais il contenait également une clause stipulant que « la validité de la dette publique des États-Unis, autorisée par la loi, y compris les dettes contractées pour le paiement de pensions et de primes pour services rendus dans la répression d’une insurrection ou d’une rébellion, ne sera pas remise en question ». Cet amendement n’a jamais été utilisé à cette fin auparavant et d’aucuns craignent que le ministère de la Justice ne bloque une telle procédure.

Depuis un mois, les Républicains insistent et les Démocrates résistent. Mais Joe Biden a engagé des négociations avec Kevin McCarthy. Est-ce que la présidence fera des concessions comme le craignent les progressistes ? Crise économique ou recul plus ou moins important du système social, la fin est incertaine. Chaque parti rejettera la faute sur l’autre, mais de toute façon ce serait la classe ouvrière et les pauvres qui en ­paieront le prix

Traduction HW