Publié le Jeudi 27 mai 2021 à 12h18.

Palestine : un « cessez-le-feu » qui ne règle rien, une mobilisation qui continue

Après des négociations menées par l’entremise de l’Égypte et du Qatar, un cessez-le-feu a été instauré entre Israël et la bande de Gaza le 21 mai. Si l’on peut évidemment se réjouir que la population de Gaza ne soit plus sous les bombes, rien n’est pourtant réglé, et l’on peut s’attendre à ce que, dans les semaines qui viennent, les PalestinienEs continuent de se mobiliser pour leurs droits nationaux et démocratiques.

La fin de l’opération de bombardement sur la bande de Gaza résonne comme un échec pour les autorités israéliennes. Si la séquence a été particulièrement violente, avec des raids d’une intensité inédite et des dégâts matériels et humains considérables, il n’en demeure pas moins que l’État d’Israël ne sort pas gagnant de l’affrontement de ces dernières semaines. Bien au contraire, pour bien des PalestinienEs, le cessez-le-feu est davantage le révélateur d’une crainte israélienne que la situation dégénère que d’un maîtrise de l’agenda.

Communauté de destin

Si l’attention médiatique s’était particulièrement portée sur Gaza, il ne faut en effet pas oublier que c’est dans l’ensemble de la Palestine qu’Israël a dû faire face — et fait encore face — à une contestation palestinienne de ses politiques d’apartheid : la mobilisation simultanée à Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem et en Israël même, si elle n’est évidemment pas l’affirmation d’une unité politique soudainement retrouvée, est l’expression de la conscience d’une communauté de destin entre les différents secteurs palestiniens. Un cinglant avertissement adressé à la puissance coloniale qui n’a eu de cesse, au cours des dernières décennies, de fragmenter la population palestinienne, mettant en pratique le vieil adage « Diviser pour mieux régner ».

Telle est l’une des singularités du soulèvement de ces dernières semaines, qui présente en outre un visage particulièrement jeune et qui n’était guère encadré par les forces politiques traditionnelles, qu’il s’agisse du Hamas, du Fatah ou de la gauche. Dans les premiers jours, on a même vu l’Autorité palestinienne de Ramallah réprimer les manifestantEs en Cisjordanie, avant de changer de braquet et de jouer la carte de la rhétorique de l’« unité nationale », de peur de perdre un peu plus de terrain face à un Hamas apparaissant comme défenseur de touTEs les PalestinienEs, et pas seulement ceux de Gaza.

Et maintenant ?

Bien malin serait celui ou celle qui pourrait prévoir ce qui va se passer dans les jours et les semaines qui viennent. Une chose est toutefois certaine : la répression israélienne se poursuit, avec entre autres l’opération « Law and Order » menée en Israël avec l’objectif d’arrêter 500 PalestinienEs mobilisés ces dernières semaines, tandis que la mobilisation se poursuit à Jérusalem, notamment autour des quartiers de Sheikh Jarrah et de Silwan, et en Cisjordanie. Partout en Palestine, on discute politique, on discute structuration, on discute de la suite, et si l’on ne peut guère se risquer à faire des pronostics, nul doute que la séquence qui s’est ouverte ces dernières semaines est loin d’être terminée et que notre solidarité va devoir s’exprimer.

Comme l’explique le chercheur Tareq Baconi : « Les Palestiniens doivent trouver un moyen de maintenir ce soulèvement populaire au-delà des structures de direction qui existent aujourdhui. Cela ne veut pas dire quil ne doit pas y avoir de direction pour le mouvement. Ce que nous avons appris des soulèvements arabes de 2011, cest que sil ny a pas de direction capable de prendre des décisions politiques et stratégiques, lÉtat profond et le statu quo gagnent. Ce leadership ne peut pas être canalisé vers les mêmes institutions corrompues qui nous ont amenés là où nous sommes aujourdhui. Il faut quun leadership plus inclusif émerge de cette mobilisation de la base. La forme que cela prendra nest pas encore claire, mais nous nen sommes quaux premiers jours. »1