Publié le Mercredi 29 mars 2023 à 17h44.

Automobile : « Si toutes les boîtes du CAC40 faisaient grève au moins deux jours de suite... »

Entretien. Après le rejet des motions de censure du gouvernement, un militant CGT de l’usine Stellantis de Rennes-La Janais raconte comment les travailleurEs du privé et de l’automobile en particulier se mobilisent.

Quelle est l’ambiance dans la boîte ?

Il y a deux positions. Ceux qui sont étonnés des votes et ceux qui sont soulagés car ils craignaient que le rejet signifie la fin du mouvement. Au fil des journées les rangs des grévistes s’élargissent au-delà du noyau de militants qui est mobilisé dès le début. On a réussi à faire trois jours consécutifs de grève pour une dizaine de salariés autour de la journée du 19 mars.

Les camarades se mobilisent lors des initiatives de l’intersyndicale nationale car dans l’entreprise l’intersyndicale n’existe pas. Seule la CGT distribue régulièrement des tracts dans l’usine et nous faisons régulièrement le tour des ateliers. Depuis le 7 mars, les autres syndicats ne font de l’affichage que le jour pour le lendemain et ne font pas de tour d’atelier. Par exemple, la CFDT et la CGC n’ont affiché que le jour du 28 mars l’appel à manif.

Malgré tout, des collègues qui auparavant ne s’étaient jamais engagéEs dans des mobilisations ont participé aux journées de grèves nationales sans toujours aller aux manifestations. De nombreux salariéEs sont dans la fourchette 52/53 ans et souvent en carrière longue et donc doublement concernés par le report de l’âge de la retraite à 64 ans et l’augmentation du nombre de trimestres pour une pension à taux plein.

La mobilisation se situe aussi en dehors de la boîte ?

Dans l’entreprise, la CFDT majoritaire et FO mobilisent de leur côté. Les salariéEs participent aux cortèges de « leur » syndicat. Les différentes manifestations ont regroupé autour 40 000 participantEs. Nous y apportons notre petite touche de salariéEs du privé, de la métallurgie, de l’automobile, de PSA. Nous avons participé à des barrages filtrants, au blocage de deux sites de dépôt d’ordures. Dans ce dernier cas, c’était vraiment interpro avec des militantEs de Solidaires, de FO, de la CGT Éduc, des cheminotEs. Même si malheureusement les salariéEs des sites n’étaient pas en grève.

Dans de nombreuses petites villes de la région, la mobilisation est forte : à Redon, petite ville de 13-14 000 habitants avec 5 000 manifestantEs, autour du barrage de la Rance avec un vraie intersyndicale dont l’UNSA, à Lamballe autour de l’abattoir de Cooperl... Le tout est à l’image de ce qui se passe en France notamment dans les petites et moyennes villes. En Ille-et-Vilaine il y a une dominante CFDT plus sur les négos. Dans le Morbihan, c’est plus combatif !

Et la suite ?

C’est difficile de remonter la pente des échecs passés. Il faudrait un appel clair de l’intersyndicale pour la reconductible. Si toutes les boîtes du CAC40 faisaient grève au moins deux jours de suite... Dans la boîte, malgré des interventions politiques, c’est dur de mobiliser. Au début, la CGT et la CFDT ont organisé deux rassemblements dans l’usine regroupant 300 travailleurEs avant de partir en manif. Maintenant il n’y a que la CGT qui fait du boulot. Mais les gars sont déterminés et ça ne faiblit pas lors des journées nationales. Et on discute au-delà des retraites : la démission du gouvernement, de Macron ? Au-delà des militantEs. Y compris parmi ceux qui ont voté Macron... Et malgré les inquiétudes sur le vote Le Pen, avec les attaques des fascistes contre des étudiantEs à Rennes. On garde l’espoir avec des trucs que j’ai jamais vus depuis 20 ans que je milite : pas seulement les manifestations mais surtout la grève.

Propos recueillis par Robert Pelletier