Publié le Jeudi 5 janvier 2023 à 18h00.

À la SNCF, mobilisations sur les rails

Depuis 2021 et la sortie du confinement, la SNCF est traversée par de nombreux conflits soit locaux soit catégoriels.

Dans toutes les régions, dans tous les services des salariéEs cessent le travail avec trois mots d’ordre principaux, les conditions de travail, les salaires et l’ouverture à la concurrence.

Ces mouvements ont pour origine une aggravation du rapport entre capital et travail.

Une restructuration sans fin

Depuis 2018 et la réforme du ferroviaire, la direction SNCF exerce dans toute les sociétés anonymes une pression accrue afin d’augmenter la productivité pour financer la rénovation du réseau et préparer les différentes entités à l’ouverture à la concurrence.

En 2018, les législateurs ont décidé la fin des embauches au statut, l’ouverture à la concurrence du transport régional, la création de trois sociétés anonymes et fixé la « règle d’or » concernant les ­investissements du groupe SNCF.

Ces orientations se traduisent pour les cheminotEs par une dégradation continue des conditions de travail. Ces vingt dernières années ce sont 40 000 emplois qui ont disparu, l’effectif passant de 176 753 salariéEs en 2000 à 136 000 en 2020. Pas une semaine ne se passe sans qu’un service soit réorganisé, sans qu’un emploi disparaisse.

Les cheminotEs ont le sentiment d’être entraînéEs dans un ­engrenage sans fin.

Partout les accords locaux sur l’organisation du temps de travail sont dénoncés, les usages disparaissent. Il faut ajouter à cela, huit ans sans revalorisation générale des salaires, les différentes réformes des retraites qui se traduisent pour certains par un allongement des carrières de quatre à cinq ans, l’impossibilité d’obtenir ses congés, l’accroissement du temps de travail effectif et le manque de reconnaissance après la crise du covid. Ceci justifie pleinement le malaise qui s’est ­installé dans le corps social cheminot.

Des ripostes continues

Un premier mouvement d’ampleur des aiguilleurs en Nouvelle-Aquitaine début 2022 a ouvert un cycle de mobilisations sur la question des salaires à la SNCF. Au printemps, l’ensemble des aiguilleurs et aiguilleuses sont entrés en grève pour obtenir une revalorisation salariale et faire reconnaître les spécificités de leur métier. En juillet, à l’appel des organisations syndicales ce sont les agentEs qui ont cessé le travail, obligeant la direction à ouvrir des négociations salariales alors que cette dernière les renvoyait aux négociations annuelles obligatoires (NAO) de fin d’année.

Avec la hausse continue de l’inflation, les mesures obtenues en juillet se sont révélées nettement insuffisantes. En septembre un nouvel appel à 24 h de grève a été lancé, suivi le 18 octobre, après l’annonce des réquisitions des salariéEs des raffineries, d’une nouvelle grève très suivie durant laquelle des centaines d’AG se sont tenues mettant en débat la reconduction du mouvement. En réponse la direction a annoncé la tenue des NAO pour début décembre et une rétroactivité des mesures à venir à partir du 1er trimestre de 2022.

Les contrôleurEs prennent la main

Dans ce climat de très fortes tensions, un groupe de contrôleurs et contrôleuses a ouvert fin octobre une page Facebook avec pour objectif de lancer un mouvement catégoriel se voulant a-syndical mais reprenant pour partie de nombreuses revendications portées par les organisations syndicales (OS).

Très vite ce groupe Facebook a compté plus de 3 500 agentEs inscrits. Les animateurs et animatrices, forts de ce succès, ont demandé à rencontrer les fédérations syndicales dans la perspective de déposer un préavis de grève pour le mois de décembre. SUD-Rail, la CFDT et l’UNSA ont répondu positivement à ces demandes, la CGT préférant décliner, considérant la plateforme revendicative trop restrictive et trop catégorielle. Mais, dans le même temps la CGT a déposé une alarme sociale sur ces bases revendicatives.

À la suite de ces discussions les revendications ont été étendues à l’ensemble des agentEs du service commercial train, quelle que soit leur activité (TGV, Intercités, TER ou Transilien) et il a été convenu entre représentants syndicaux et animateurs du collectif que l’appel à la grève serait à l’initiative du collectif. Plusieurs équipes syndicales se sont emparées de cet appel mais c’est surtout par le « bouche-à-oreille » et Facebook que les agentEs ont popularisé cette grève.

La grève du premier week-end de décembre a été un franc succès avec plus de 80 % de grévistes. Cependant, la forme hybride du mouvement n’a pas permis pas de lancer des assemblées générales dans les établissements pour discuter collectivement des suites à donner aux propositions de la direction.

Le collectif a alors décidé de lancer une consultation via les réseaux sociaux, consultation qui n’a pu aboutir à la suite d’un piratage de la page Facebook. À partir de ce moment les animateurs et animatrices ont lâché l’affaire et demandé aux OS de consulter leurs adhérents et adhérentes.

Malgré ces difficultés, ce mouvement atypique a permis d’obtenir des avancées conséquentes pour les contrôleurs et contrôleuses tant sur le plan financier que sur les garanties en matière de déroulement de carrière ou d’emploi.

Prochain objectif, la bataille des retraites

Maintenant la question centrale et le principal enjeu est de savoir si les catégories professionnelles qui se sont mobilisées vont repartir au combat pour la bataille des retraites. Si ces mouvements ont mis en lumière un fort potentiel de combativité, cela ne garantit pas que les cheminotes et cheminots soient le secteur moteur de la mobilisation.

La dimension interprofessionnelle sera déterminante pour donner confiance aux agents SNCF.