Publié le Mercredi 15 février 2023 à 14h56.

SNCF : Augmentation des coûts, des retards et dégradation du service

Des trains chers, des retards qui s’accumulent, des lignes qui ferment, des suppressions d’emplois par milliers, des acquis sociaux attaqués : en France, le rail est en danger. Pourtant, début 2023, l’entreprise annonçait une hausse continue des fréquentations, supérieures de 10 % par rapport à 2019, et un bénéfice record de 2,2 milliards d’euros dû à une fréquentation exceptionnelle des TGV en 2022.

Absence de volonté politique

Un obstacle demeure : l’absence de volonté politique pour investir dans le train et encore moins dans le service public.

L’avenir des trains quotidiens est gravement menacé. Il manque au moins un milliard d’euros par an, soit un tiers de l’enveloppe allouée par l’État, pour contrer le vieillissement du réseau, qui accuse une moyenne d’âge de 29 ans, soit 12 ans de plus que les voies ferrées allemandes1.

Certes les subventions publiques augmentent, mais cette augmentation est quasi exclusivement le fait des régions (+ 45 % depuis 2015) et Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF, ne manquait pas de signaler, l’été dernier, que les investissements réalisés en Italie sont « plus du double qu’en France » et presque le triple en Allemagne.

Comme le révèle le site Basta2 ; le PDG de SNCF Réseau, Luc Lallemand, débarqué le 22 septembre 2022 par Élisabeth Borne, n’hésitait pas à déclarer que « si l’État n’intervient pas au plus tard en septembre [2022], il faudra diviser le réseau en deux parties » et « désinvestir » sur les lignes régionales. Ainsi, soit les régions seront alors en mesure de compenser ce désinvestissement, soit ces lignes se dégraderont puis fermeront.

La dégradation est désormais quotidienne : en 2019, en moyenne, 12 à 14 % des trains arrivent en retard, ce qui place la France dans une moyenne basse à l’échelle européenne. Lorsqu’il accuse du retard, un train arrive en gare en moyenne entre 37 et 41 minutes après son heure d’arrivée théorique3.

Une hausse des tarifs et une baisse des effectifs

Ainsi SNCF Réseau devra continuer de reporter certains chantiers les moins urgents avec à la clé des liaisons ralenties — les trains circulant de moins en moins vite pour raison de sécurité — ou remplacées par des cars quand les dessertes ne sont pas tout simplement fermées.

Le système de réservation permet une augmentation des tarifs en fonction de la demande — moins il y a de places disponibles, plus elles sont chères —, en rupture avec la notion d’égalité du ­service public.

Enfin, le rétrécissement de la SNCF est déjà largement entamé : moins de gares, moins de guichets et surtout moins de cheminotEs. L’entreprise a déjà supprimé 16 000 emplois en dix ans (un cheminotE sur dix). En 1947, il y avait 480 700 cheminotEs, 181 114 en 1995, 136 388 en 2020. La recette est bien connue : non-remplacement des départs à la retraite, réorganisations constantes pour pousser à la polyvalence et au productivisme, sous-traitance généralisée pour faire table rase des accords collectifs, y compris en passant par des filiales de droit privé créées par la SNCF. Ce sont les grandes multinationales privées du BTP qui raflent le gros des contrats, entraînant inévitablement une perte de compétence et de sécurité.

La privatisation comme remède ?

Pour « sauver le rail », les différents gouvernements, depuis le passage en EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) en 1982 sous le ministère PCF de Charles Fiterman, comptent sur les effets de l’ouverture à la concurrence, censée provoquer une guerre commerciale qui stimulerait tous les acteurs, comme l’envisageait l’Union européenne, en imposant le saucissonnage de la SNCF en plusieurs sociétés anonymes.

Pourtant le fiasco de l’ouverture à la concurrence du fret a aussi démontré que, quand l’État ne joue plus son rôle en investissant sur le long terme, les acteurs privés désertent plus vite que leur ombre. Ainsi le fret ferroviaire ne représentait en 2020 que 9 % du transport de marchandises, presque trois fois moins qu’il y a quarante ans et deux fois moins que la moyenne européenne. Une aberration au regard de la ­pollution routière et du défi climatique.

Malgré les énormes défis auxquels il est confronté, le rail, voyageurs et fret, reste pourtant l’un des moyens de transport le plus sûr et le moins polluant. Reste à le sortir du système marchand et lui redonner ses missions et ses moyens de service public.