Publié le Mercredi 31 août 2022 à 16h21.

Les petits poèmes de derrière, de la compagnie Kikeï

CD autoproduit et spectacle : www. kikei.fr

Ienisseï Teicher, danseuse et comédienne iséroise, fabrique depuis 2018 avec sa compagnie Kikeï et d’autres des spectacles multiformes pour grandEs et petitEs. Celui-ci est plutôt à ­destination des plus grandEs. Quoique.

« Debout c’est bien aussi ! »

Au printemps 2021, prenant une part active au mouvement des occupations des lieux culturels, elle trimbale sa tignasse en broussaille et son énergie à tout crin dans les bâtiments de la maison de la culture de Grenoble. C’est là, ou plus probablement sur les marches ensoleillées du parvis, qu’elle fait la rencontre de Léa Dessenne et de Norbert Pignol. Elle et lui montent de leur côté des projets musicaux, séparément ou en duo au sein de la compagnie Mégaptère. La première pilote des interventions pédagogiques dans les différents quartiers de la ville ; le second est, notamment avec le groupe Dédale1, un acteur incontournable d’une scène rhône-alpine qui électrise la musique traditionnelle depuis 25 ans.

Avec sa propension à nouer rapidement des amitiés, Ienisseï sautera sur l’occasion donnée de mettre en musique certains de ses textes, confirmant qu’elle est aussi une autrice inspirée (et de surcroît dessinatrice, comme devait initialement l’attester une version livret reportée du fait de la crise du papier).

Il y sera question de poèmes érotiques. L’un après l’autre, seront rapidement couchés sur bande 17 titres. Même si « couché » n’est pas vraiment le terme car l’intéressée met un point d’honneur à défendre la position debout (« Debout c’est bien aussi ! » ne ­manquera-t-elle pas de souligner…).

Dépassant le prétexte de viser plus bas, on perçoit dès les premiers mots (criés) que tout cela est surtout une question de ventre. De désir, de faim, et de tripes, impossibles à rester en place, refusant catégoriquement de se taire. On y parle donc de fesse, subtilement bien que sans détour, mais également politiquement et, surtout, on ne peut plus poétiquement. En ce sens c’est une réussite rare qu’il faut souligner.

La musique, bien plus qu’un faire-valoir, façon boucle lisse pour slam consensuel, est construite et variée dans ses timbres et ses inspirations, entre acoustique et électro. Elle sait trouver sa juste place, sans écraser ces textes courts ni non plus s’écraser devant eux. Elle pourrait même, pourquoi pas, se suffire quelquefois à elle-même. Ainsi l’instrumental derrière le titre « Christophe », déjà entendu ailleurs, où l’on ne sait dans quelle proportion nous sommes touchés par la sincérité de ce poème d’amour ou la perfection mélodique de cette ballade tranquille. Sacré cadeau de Ieni à son chéri, et de Norbert à nous.