Publié le Mercredi 28 septembre 2022 à 13h00.

Que fait la police ? Et comment s’en passer, de Paul Rocher

Éditions la Fabrique, 260 pages, 14 euros.

On parle beaucoup de la police... Beaucoup trop. On en parle même tout le temps, parce que la police tue, parce que les violences policières, parce que les campagnes électorales, parce que l’extrême droite et les politiciens démagogues... Il était temps d’en parler d’un point de vue de classe, avec audace !

La police : la réalité, le mythe...

La police est partout, et contrairement à tous les discours, assénés à force d’articles, d’éditos, de talk show, elle ne l’est pas et de moins en moins. Paul Rocher règle d’abord son compte, chiffres à l’appui, à l’idée, répétée en boucle, selon laquelle il n’y aurait pas assez de policiers, ainsi qu’à son pendant selon lequel la délinquance serait en augmentation constante !

Puis il décortique le mythe d’une police imparfaite mais nécessaire, que l’on pourrait améliorer avec une meilleure formation, un meilleur encadrement, mieux contrôlée, même par des institutions indépendantes...

Neutre, la police ?

En remontant aux origines de l’institution moderne qu’est la police actuelle, l’auteur en donne des éléments précieux de compréhension. En associant son émergence à la mutation du capitalisme français au 19e siècle, Paul Rocher fait le portrait d’une institution au service du capital, mais qui reste suffisamment indépendante des intérêts particuliers des capitalistes individuels afin de préserver la concurrence ! Il souligne ainsi finement la nature de classe de la mission de la police et de cette institution elle-même. De plus, il ne faut pas négliger le fait qu’elle est mise en place dans le contexte de pillage économique des colonies et de la hiérarchisation sociale — raciale, raciste — qui l’accompagne. C’est un rouage de l’État, qui tout entier est au service des classes dominantes.

S’en passer, vraiment ?

Expliquer que la police n’a pas toujours existé sous la forme actuelle ouvre un possible sans la police actuelle. Paul Rocher convoque alors deux expériences historiques, en Afrique du Sud et en Irlande, au cours desquelles ont été esquissées, expérimentées, des modalités alternatives de gestion des conflits au sein d’une société, rompant avec des corps répressifs séparés, spécialisés, professionnalisés, au profit d’instances élues ou émanant de mouvements de la société — comités de rue — ou des mouvements de libération — l’ANC, l’IRA. Dans ce cadre, il présente des pratiques rompant avec la punition individuelle, allant vers la réparation, au profit des victimes mais sans briser les fauteurs de trouble, motivées par la cohésion du groupe social et son harmonie.

La notion de double pouvoir est invoquée — car il s’agit bien de contester la maîtrise de la classe dominante — et ces expériences reposent sur une société en marche vers sa libération. Cela conduit l’auteur, encore une fois, à poser les termes du débat : c’est bien de la police et du système capitaliste qui l’engendre qu’il va nous falloir, d’un même mouvement, nous débarrasser !