Publié le Vendredi 25 mars 2016 à 08h06.

Nucléaire à Cruas : le prochain Fukushima sera-t-il français ?

« Il faut que les Français se préparent » à une « catastrophe nucléaire »1 : la CRIIRAD nous alerte suite aux multiples incidents survenus à Cruas en 2015...

Il faut dire que les éléments rapportés2 par EDF et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), lors de la réunion de la CLI de décembre 2015 à laquelle la CRIIRAD participait, ont de quoi faire frémir. Le 5 septembre, un corps étranger (pièce métallique de 300 grammes) a été découvert à la base du faisceau tubulaire d’un des générateurs de vapeur (GV) du réacteur n°3. Cette pièce appartenait à un outillage installé dans les GV lors des arrêts de réacteur... pour y éviter l’introduction de corps étrangers !

Les GV contiennent des milliers de tubes dans lesquels circule l’eau contaminée du circuit primaire, à une température de 3 20°C et une pression de 15 bars. L’eau du circuit secondaire est amenée au contact de ces tubes où elle se transforme en vapeur afin de faire tourner les turbines génératrices d’électricité.

Le corps étranger, oublié pendant des mois, a frotté contre le faisceau de tubes, entraînant une usure importante de deux d’entre eux dont un présentait une perte d’épaisseur de 75 % ! La catastrophe n’était pas loin : une rupture de tubes dans un GV pourrait entraîner un relargage massif de substances radioactives dans l’environnement, trop rapidement pour lancer une évacuation. Seule solution : mettre immédiatement à l’abri la population la plus proche.

Dans le réacteur n°1, les tubes sont en très mauvais état (bouchage et fissuration important). La CRIIRAD indique : « Ils auraient dû être remplacés lors de l’arrêt de tranche de 2015. Cela n’a pas été fait. Interrogé en séance par la CRIIRAD sur les raisons de ce report, le directeur de la centrale a simplement indiqué que les nouveaux GV n’étaient pas disponibles au moment de l’arrêt .»

Un état des lieux alarmant

EDF, en sacrifiant la sûreté nucléaire sur l’autel de la rentabilité, est responsable de cette situation. C’est ce que pointe le 12 mars Stop Nucléaire 26-07, en soutien à la grève des salariés de NUVIA, sous-traitant à Cruas : « La privatisation et l’organisation de nombreux niveaux de sous-traitance  implique des risques majeurs d’accidents nucléaires (turn-over, maladies et accidents du travail, fatigue des salariés… ) ».

La situation n’est pas meilleure dans les autres centrales françaises. Le Journal de l’Énergie révèle des documents internes dans lesquels en 2014, EDF a classé la majorité des diesels de secours en « état dégradé » (44 %) ou « état inacceptable » (13 %). Aucun n’est en « état correct » ! Ce sont ces groupes de secours qui, à Fukushima, n’ont pu prendre le relais suite à la coupure du réseau électrique national.

Le constat de la CRIIRAD n’est pas alarmiste. Les autorités envisagent désormais publiquement la possibilité d’une catastrophe nucléaire en France, et nous y « préparent », si l’on peut dire : pour l’IRSN, il faudra limiter les évacuations post-catastrophe et « restaurer une liberté individuelle vis-à-vis du risque radiologique »3. Dit autrement, « Vous êtes irradié ? Débrouillez-vous ! »

C’est plutôt une protection collective qu’il faut assurer : partout où nous le pouvons, mobilisons-nous pour stopper cette industrie mortifère.

Commission nationale écologie

 

  • 1. Bruno Chareyron, directeur du laboratoire de la CRIIRAD, sur France Info le 11 mars 2016
  • 2. Bulletin d’information des adhérents de la CRIIRAD, Trait d’Union n°69, février 2016
  • 3. Jacques Repussard, directeur général de l’IRSN, JDD du 6 mars 2016