Publié le Mercredi 8 novembre 2023 à 18h00.

Allemagne : la guerre de Gaza et la raison d’État

Le gouvernement allemand ne soutient même pas l’appel à un cessez-le-feu. Aucun autre gouvernement dans le monde ne soutient aussi totalement la politique des gouvernements israéliens, quel que soit le degré de leur positionnement à l’extrême droite et leur racisme.

 

On pourrait penser que cette attitude est un devoir incontournable dans le contexte de l’Holocauste perpétré par l’Allemagne nazie. Pourtant, si l’on y regarde de plus près, il s’avère que ce n’est pas une aide pour les Juifs. Sur un total de 3,5 milliards de Deutsche Marks de « réparation », seuls 500 millions (via la Jewish Claims Conference) sont allés aux personnes directement et indirectement concernées par l’Holocauste. Tout le reste a été dépensé pour soutenir l’État d’apartheid d’Israël (dont un tiers par des marchandises en provenance d’Allemagne, notamment des armes). Mais avant tout, l’accord de 1952 était la carte d’entrée de l’Allemagne dans le monde occidental après la Seconde Guerre mondiale.

Un soutien à Israël mais pas plus de sécurité pour les JuifEs

Le soutien politique apporté à Israël par le gouvernement allemand a également pour effet de promouvoir le système colonialiste, ce qui a pour conséquence la poursuite et le durcissement de la politique de colonisation en Cisjordanie et le bouclage de la bande de Gaza depuis seize ans. En fin de compte, cela ne fait que perpétuer les tensions en Israël-Palestine et dans la région.

Cela n’apporte donc pas plus de sécurité aux habitantEs d’Israël, et cela n’a pas attendu l’attaque du 7 octobre pour être visible. Enfin, quelle doit être l’ampleur de la colère et du désespoir pour lancer une action telle que celle du 7 octobre contre une puissance militaire aussi largement supérieure ? L’oppression de la population palestinienne depuis des décennies ne justifie évidemment pas les meurtres et les prises en otage de civilEs, mais elle démontre qu’aucune paix ne peut être établie avec l’État d’apartheid et l’oppression sociale et militaire en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

La raison d’État allemande

Plus que dans de nombreux autres pays, l’antisémitisme est très répandu en Allemagne. Afin de ne pas se voir reprocher cela par l’opinion publique mondiale et préserver son ancrage dans la « communauté de valeurs occidentale », les gouvernements allemands — ainsi que tous les grands médias et autres « leaders d’opinion » — se positionnent comme des soutiens indéfectibles des gouvernements israéliens, quelle que soit l’action meurtrière de ces derniers, comme si les gouvernements israéliens respectifs étaient les représentants exclusifs de tous les juifEs, où qu’ils vivent.

Cette attitude de soutien inconditionnel et sans critique de tous les gouvernements israéliens est qualifiée de « raison d’État allemande » par les gouvernements allemands. Cette attitude s’accompagne d’une forte répression à l’encontre de toutes les organisations et de tous les individus qui critiquent le gouvernement israélien. En principe, le gouvernement et les médias mettent un signe d’égalité entre la critique d’Israël et l’antisémitisme. Associé au racisme général, cela touche particulièrement les personnes originaires du monde arabe. Ils sont harceléEs, régulièrement arrêtéEs lors de manifestations et criminaliséEs. La liberté d’expression en général en est entamée, pas seulement sur le thème d’Israël.

Cela rend la solidarité avec la Palestine encore plus difficile en Allemagne que dans d’autres pays occidentaux, mais elle reste une tâche indispensable de la solidarité internationaliste.