Publié le Dimanche 22 octobre 2023 à 08h00.

Chlordécone : la lutte contre le crime colonial prend une nouvelle dimension

Le chlordécone, cet insecticide classé cancérigène dès 1979, a été autorisé aux Antilles contre le charançon du bananier jusqu’en 1993. Son élimination est très longue : un siècle pour que sa concentration soit divisée par dix !

 

Il est présent dans les sols, les végétaux, les eaux de source, s’accumule dans les organismes via les chaînes alimentaires : on en retrouve des traces dans le plasma de 90 % des AntillaisEs, avec des conséquences neurologiques pour les femmes enceintes et les nouveau-nés, des cancers de prostate sans parler des effets encore mal connus.

Pas de sanction pour ce scandale sanitaire

L’empoisonnement des AntillaisEs n’est plus contesté : l’État a fini par reconnaître en 2021 comme maladie professionnelle les cancers de la prostate des personnes ayant travaillé pendant au moins dix ans au contact du chlordécone, ce qui permet leur indemnisation. Mais rien pour les autres !

En outre, la justice a refusé de sanctionner la chaîne de responsabilités qui a permis sa production et son utilisation massive. En janvier 2023, seize ans après la plainte, le non-lieu prononcé a été à juste titre vécu comme un nouvel acte de mépris colonial. Les juges confirment qu’il y a un « scandale sanitaire » mais décident qu’on ne peut sanctionner personne !

Contre cette impunité, le collectif Lyannaj pou dépolyé Matinik qui a joué un rôle central dans la mobilisation, l’énorme manifestation du 21 février 2021 et les suivantes, a construit un front encore plus large contre ce non-lieu, pour la vérité, la justice et les réparations de ce crime. Car les réponses actuelles, les tests gratuits, les sommes mises dans le fonds d’indemnisation des victimes ou les plans chlordécone, sont loin du compte.

Semaine de mobilisation

C’est ainsi qu’est né en juin dernier Simenn Matinik Doubout - Gaoule kont Chlordécone, qui regroupe des syndicats (CDMT, CFDT, CSTM, FO, UNSA), des partis (CNCP, Fédération socialiste, GRS, InsoumiEs, MIM, PALIMA, PCM, Peyi-A, PPM, RDM, RESPE), des associations de sauvegarde de l’environnement, des droits des femmes, et des avocatEs, des artistes, des militantEs. Ce large éventail de forces sociales, politiques, culturelles, citoyennes est un élément nouveau et très important dans la construction du rapport de forces.

Le collectif organise une semaine de mobilisation du 22 au 28 octobre, rejointe par des organisations guadeloupéennes, autour d’un village des luttes et des alternatives, des débats sur la santé, les revendications, l’agriculture, la pêche, le perspectives judiciaires (avec le projet de constituer parties civiles des centaines de personnes) et une manifestation de masse samedi 28 octobre. Pour préparer l’initiative, des rencontres se tiennent partout, avec les éluEs des communes, avec la population pour constituer les dossiers des parties civiles.

Est également en discussion le projet d’un tribunal citoyen international sur le chlordécone et autres pesticides. Le mouvement ouvrier et démocratique français doit se mettre aux côtés des militantEs antillais, en participant à la mobilisation de solidarité le 28 octobre et le soutien à toutes les procédures engagées.