Publié le Jeudi 25 avril 2024 à 08h00.

Élections en Corée du Sud : Crise politique et tensions géopolitiques

L’opposition progressiste de Corée du Sud a remporté les élections législatives du 10 avril dernier, un désaveu cinglant pour le président conservateur Yoon Suk Yeol. Elle n’obtient cependant pas la majorité des deux tiers. Quant à la Corée du Nord, elle continue de développer ses capacités nucléaires.

Le Parti démocrate (PD), une formation de centre gauche, a engrangé 174 sièges (contre 156 dans la précédente législature). Le Parti du pouvoir populaire (PPP), droite conservatrice, n’en a obtenu que 108 (contre 114 précédemment). Cette élection était cruciale pour le président Yoon Suk Yeol qui avait été très mal élu en mars 2022, avec 48,56 % des voix contre 47,83 % à son opposant. Il espérait gagner enfin une majorité à l’Assemblée nationale, mais l’inverse s’est produit. Il ne pourra pas, moins que jamais, mettre en œuvre son très réactionnaire programme (il veut notamment abolir le ministère sur l’Égalité des sexes !). « Du canard boiteux qu’il était, M. Yoon risque de devenir un canard mort », selon la formule du commentateur politique Bae Kang-hun, cité par Philippe Pons1. Au vu des résultats, le Premier ministre Han Duck-soo et le dirigeant du PPP, Han Dong-hoon, ont démissionné.

Parmi les autres formations politiques représentées au Parlement, mentionnons le nouveau Parti de la réforme de la Corée (PRC), centriste, qui a gagné 12 sièges. Il a été créé en mars dernier par Cho Kuk, un ancien ministre de la Justice évincé par Yoon, alors procureur, pour corruption.

Vote de classe sur les questions sociales

La campagne électorale a été très tendue. Le principal représentant du PD, Lee Jae-myung, a même été victime d’une attaque au couteau. Cette polarisation a pris une dimension de classe. Le président Yoon est issu de l’élite sociale et il promouvait un programme très favorable aux riches. En revanche, Lee Jae-myung est d’origine modeste. Il a travaillé en usine, est devenu un avocat spécialisé dans les problèmes du travail, puis gouverneur de province — il est accusé par la droite d’avoir des liens avec la Corée du Nord.

Le vote du 10 avril constitue donc un désaveu électoral du président Yoon Suk Yeol, cet ancien procureur général sans expérience politique préalable. Une partie notable de l’électorat dit « modéré » a en effet soutenu les progressistes du PD. Cependant, la nouvelle opposition parlementaire (le Parti démocrate et de petites formations, dont le PRC) n’atteint pas les deux tiers des sièges. Elle n’est donc pas en mesure de bloquer, voire de destituer, le président. 

La campagne électorale s’est jouée sur les questions sociales : la stagnation des salaires, malgré une très forte inflation concernant en particulier les denrées alimentaires et le coût des prêts immobiliers ; la mauvaise couverture sociale pour les personnes âgées ; l’accroissement des inégalités sociales. Une situation chaotique dans les hôpitaux à la suite du rejet par le corps médical d’une réforme engagée par le président Yoon. Par ailleurs, la présidence a considérablement durci son contrôle sur les médias et s’est frontalement attaquée à la liberté d’expression, des enjeux ­démocratiques majeurs.

Militarisation du Pacifique nord-est

Le résultat des élections va avoir une portée géopolitique significative, même si les questions internationales ont été peu débattues durant la campagne. Yoon Suk Yeol avait contribué à l’augmentation des tensions dans la péninsule coréenne et à la militarisation du Pacifique nord-est, en renforçant l’alliance avec Tokyo et Washington. 

Le régime nord-coréen joue sa propre partition dans cette montée des tensions. Kim Jong Un, le denier rejeton de la dynastie héréditaire des Kim, poursuit le développement agressif de son arsenal nucléaire. Il vient d’annoncer la mise au point du missile Hwasong-16B qui représenterait une avancée technologique importante par ses implications régionales. Il utilise un combustible solide qui permet de stocker les missiles avec le plein de carburant déjà effectué. Il intègrerait un véhicule hypersonique de vol plané (HGV), ce qui pourrait initier une nouvelle course aux armements dans cette partie du monde2.

Pierre Rousset

  • 1. Le Monde daté du 10 avril 2024.
  • 2. A.B. Abrams, The Diplomat, 13 avril 2024.