Publié le Mercredi 21 juin 2023 à 19h00.

Fonds Marianne : la ministre, l’argent public et les copains

Le fonds Marianne, lancé en grande pompe en 2021 au plus fort des débats sur le « séparatisme », avait disparu des écrans radar. Ces dernières semaines, il a fait son grand retour dans l’actualité, mais pas pour les raisons espérées par l’une de ses instigatrices, la ministre Marlène Schiappa.

En avril 2021, six mois après l’assassinat de Samuel Paty, Marlène Schiappa annonçait, nombreuses interventions médiatiques à l’appui, le lancement du « fonds Marianne pour la République », destiné à « financer des personnes et associations qui vont porter des discours pour promouvoir les valeurs de la République et pour lutter contre les discours séparatistes notamment sur les réseaux sociaux et plateformes en ligne ». Le 7 juin 2021, le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) annonçait que 17 candidatures avaient été retenues pour un montant global de plus de deux millions d’euros.

Scandale d’État

Deux ans plus tard, le fonds Marianne est devenu l’objet d’une enquête qui sent fort le scandale d’État. Plusieurs médias, parmi lesquels France 2, Marianne et Mediapart, ont en effet mis à jour une gestion particulièrement opaque du fonds, avec des bénéficiaires qui semblent avoir été abreuvés d’argent public en raison de leur proximité personnelle et idéologique avec Schiappa et non du sérieux de leur projet. C’est ainsi que l’on a appris que l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), premier bénéficiaire du fonds avec 355 000 euros, avait envoyé un « projet » de… sept phrases, après avoir été averti de l’existence du fonds Marianne avant même l’annonce publique de son lancement.

Une enquête judiciaire a été ouverte, et une commission du Sénat a organisé des auditions des principaux protagonistes de l’affaire avec, en « vedettes » la semaine dernière, le journaliste-escroc Mohammed Sifaoui (à la tête de l’USEPPM) et la ministre Schiappa. La succession des auditions a ainsi permis de mesurer à quel point les deux millions d’euros d’argent public avaient non seulement avant tout servi la communication du gouvernement et de Marlène Schiappa elle-même, mais qu’en outre cet argent avait été attribué dans l’opacité la plus totale. Bilan (provisoire) de l’enquête et des auditions : la démission du préfet Gravel, qui était jusqu’alors à la tête du CIPDR, des déclarations contradictoires, de multiples zones d’ombre, des perquisitions, etc.

« Marlène Chaipas »

On a en outre pu assister à une audition rocambolesque de Marlène Schiappa, qui a pendant près de trois heures expliqué aux sénateurs qu’elle n’avait rien vu, rien entendu, rejetant la faute sur les membres de son cabinet, répétant qu’elle n’était « pas au courant » (ce qui lui vaut désormais le surnom mérité de « Marlène Chaipas ») alors que toutes les décisions ont été prises sous sa responsabilité. Les auditions, renforcées par des enquêtes journalistiques, ont en outre établi qu’elle était intervenue personnellement pour encourager certains acteurs à demander des subventions ou pour s’opposer à une attribution pourtant validée par le comité de sélection.

Marlène Schiappa a tellement pris les sénateurs pour des imbéciles qu’ils s’en sont eux-mêmes rendu compte, c’est dire ! Et c’est ainsi que le sénateur LR de Meurthe-et-Moselle Jean-François Husson, rapporteur de la commission d’enquête sur la gestion du fonds Marianne, a pu déclarer après l’audition de Schiappa : « Si Schiappa avait reconnu des fautes, ou admis des légèretés, cela aurait certes démontré une gestion problématique du fonds Marianne, mais même embarrassant, cela aurait été positif d’une certaine manière. À sa place, je démissionnerais. Notre rapport conclura qu’elle ne dit pas la vérité ».

Macron et les siens ont une fâcheuse tendance à considérer que l’argent public leur appartient. On sait désormais que lorsqu’ils sont pris la main dans le sac et confrontés à leurs agissements sans pouvoir se réfugier derrière un 49.3, ils ne font pas toujours les malins, a fortiori lorsque leur légitimité « globale » est aussi contestée qu’elle l’est aujourd’hui’hui. Et c’est tant mieux. Alors oui, Schiappa doit partir, sans délai, mais au-delà d’elle c’est bien de tout un système et de son personnel politique dont il faut plus que jamais se débarrasser !