Publié le Jeudi 15 juin 2023 à 07h30.

Santé : menaces sur l’AME des sans-papiers, menace sur la santé de toutEs !

Supprimer l’AME (Aide médicale d’État) pour les sans-papiers, et ne laisser qu’une pauvre Aide médicale d’urgence ? Le gouvernement, divisé, semble prêt à en discuter avec LR, qui porte cette exigence, pour tourner la page des retraites. Les gagnants ? Les idées nauséabondes du RN. Les perdants ? La santé de toutEs et d’abord celle, fragile, des sans-papiers.

Contrairement aux fantasmes d’un Ménard qui dénonçait le 1er juin sur Cnews les « abus » de ceux qui se font recoller les oreilles aux frais des Français grâce à l’AME, le parcours santé des sans-papiers n’a rien à voir avec le tourisme médical ! Ni droits supérieurs aux Français ni explosion des coûts ! Bien au contraire, l’accès aux droits est difficile, car ils doivent prouver qu’ils sont en France depuis plus de trois mois, se déplacer physiquement depuis la réforme de 2019, et n’ont accès à certains soins (prothèses de hanche ou de genou par exemple) qu’après neuf mois de présence. Quant au panier de soins pris en charge par l’AME, il est encore inférieur à celui de la CMU.

L’AME, c’est 1 % du budget de la Sécu

Contrairement à ce que dit Ménard ou la proposition des LR à l’assemblée, l’AME ne permet pas d’accéder au recollement des oreilles (tarif de remboursement de 236,81 euros, alors que le coût d’une otoplastie s’élève à 2 000 à 3 500 euros) ni à la pose d’un anneau gastrique (tarif de remboursement 452,34 euros sur un coût total de 3 000 à 4 000 euros) ! Rappelons aussi que le budget de l’AME, c’est moins de 1 % du budget de la Sécu. Que la dépense moyenne d’assurance maladie par assuré social en 2023 est de 3 588 euros, mais seulement de 2 830 euros pour les bénéficiaires de l’AME !

Résultat, alors que les sans-papiers ont une santé plus fragile que le reste de la population, à cause de leur parcours migratoire, de la précarité de leurs conditions de logement, de travail… 49 % des sans-papiers qui ont droit à l’AME n’en ont pas fait la demande. Sept sur dix ont dû renoncer à des soins. Un tiers des femmes enceintes ont un retard de suivi de grossesse ! Selon la Défenseure des droits, ils ont entre 14 et 36 % de chances de moins d’avoir un rendez-vous chez un généraliste.

La santé, c’est celle de tous !

Supprimer l’AME, ce n’est pas seulement s’attaquer à la santé des sans-papiers, c’est s’en prendre à la santé de toutEs ! Car il n’y a pas d’un côté la santé des « vrais Français » et de l’autre celle des sans-papiers. Comme le souligne la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) qui défend l’AME, « le retard de soins des maladies infectieuses s’accompagne souvent d’une augmentation du risque de transmission. Par exemple, une prise en charge tardive chez un patient atteint de tuberculose aura de graves conséquences pour cette personne, mais aussi pour son entourage qu’elle aura pu contaminer entretemps, et donc plus largement pour la propagation de l’épidémie dans toute la population. Un renoncement aux soins devient ainsi une question de santé publique. »

Le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) a lancé une pétition sur change.org. L’Observatoire du droit à la santé des étrangerEs (ODSE), dont fait partie Médecins du Monde, a sorti un excellent argumentaire. Contre les racistes, bâtissons ensemble une large riposte, pour défendre l’AME, pour la régularisation de tous les sans-papiers, mais aussi un même 100 % Sécu pour toutEs, avec l’intégration des soins des sans-papiers à la Sécurité sociale.