Publié le Mardi 8 mars 2022 à 11h31.

L’urgence est à l’anticapitalisme !

« La richesse des milliardaires a augmenté davantage depuis le début de la pandémie qu’au cours des 14 dernières années1 », selon le rapport de l’ONG Oxfam paru le 17 janvier 2022. Quand la famine touche, elle, 45 millions de personnes dans 43 pays du monde.

En France, les milliardaires français ont vu leur fortune augmenter de 236 milliards d’euros en 19 mois, de quoi tout simplement quadrupler le budget de l’hôpital, selon les calculs de l’ONG. Des chiffres qui traduisent bien à quelle catastrophe le système capitalisme nous soumet depuis des décennies, et avec lui des choix politiques qui n’ont d’autres intérêts que la perpétuation de cette aberration.

L’accaparement des richesses

Depuis 1989 et la chute du monde soviétique, c’est à la planète tout entière que s’est étendu le diktat des politiques de privatisation et de financiarisation, ou pour mieux dire d’accaparement. Ainsi, « de 2000 à 2020, les actifs financiers tels que les actions, les obligations et les produits dérivés sont passés de 8,5 à 12 fois le PIB mondial2 ». Des richesses qui permettraient sans doute de résoudre un certain nombre des problèmes de l’humanité, à commencer par la santé publique, l’alimentation, le logement, la pollution, si elles n’étaient pas concentrées entre les mains d’une minorité.

Une forte instabilité financière

En dépit des milliards accumulés par certains au cours des derniers mois, la menace d’un effondrement boursier, qui pèse pourtant depuis plus deux ans, se renforce. Ainsi, nous explique un chroniqueur du Monde, « depuis le 1er janvier 2022, les dix premiers milliardaires de la planète ont perdu 125 milliards de dollars, soit 9 % de leur fortune3 ». Certes, on ne versera pas une larme sur des revers de fortune individuels, mais le gâchis concerne aussi nos vies, nous qui ne somme « rien », car elles, qu’on le veuille ou non, sont régies par cette loterie.

Si les envolées des valeurs boursières sont délirantes et déconnectées de la production réelle des richesses, leur chute indique en revanche que l’économie réelle se grippe. Et, selon François Chesnais, « certains signes avant-coureurs – par exemple, l’augmentation de la prise de risques financiers et la fragilité croissante dans le secteur des institutions financières non bancaires – indiquent une détérioration des fondements sous-jacents de la stabilité financière. Si rien n’est fait, ces vulnérabilités pourraient devenir des problèmes structurels hérités, mettant en péril la croissance à moyen terme et mettant à l’épreuve la résilience du système financier mondial4 ».

Quelques milliards de plus ou de moins nous semblent inconcevables, mais lorsqu’ils affectent la capacité de répondre à des besoins vitaux et essentiels d’une partie de l’humanité, c’est une autre histoire. Or, le risque existe dans la situation d’un dévissage de la bulle financière. Pour rester dans le domaine nébuleux des indicateurs boursiers, l’indice de Schiller, qui établit le rapport entre prix des actions et les bénéfices des sociétés en Bourse, « a atteint son niveau actuel seulement deux fois, à la veille du krach de 1929 et à celle du krach des actions dot.com sur le Nasdaq en 20005 ».

Ajoutons qu’en 1929 et, dans une moindre mesure, en 2000 « les krachs ont mis fin à de véritables phases d’expansion du capital, alors qu’aujourd’hui on est en phase de quasi-stagnation ». Ce qui semble vouloir dire que pour nourrir le capital, l’exploitation des travailleurs devra être accrue… De quoi alimenter la machine à révoltes, guerres et répression, comme au

Kazakhstan au début de l’année.

Une production et des échanges mondiaux déstabilisés

Car la crise financière qui semble poindre n’est pas la seule à laquelle les travailleurs et les travailleuses devront faire face : dans différentes régions du monde, on voit déjà les effets de la crise sanitaire et écologique aggraver les crises sociales et démocratiques.

L’Insee a beau se féliciter d’un taux de croissance record avec un PIB de 7 % pour 2021 (du jamais vu depuis 52 ans !), c’est un trompe-l’œil. L’augmentation est, en effet, de 0,9 % par rapport à l’avant-crise sanitaire6. Somme toute, un chiffre annuel assez classique ces dernières années, qui pourrait ne pas se renouveler l’an prochain au vu de la déstabilisation des chaînes de production et des échanges ces deux dernières années. La pénurie de matières premières et la hausse importante de leur coût affectent de nombreux secteurs (du papier aux pièces électroniques), engendrant de longs délais de livraison et/ou une augmentation des prix.

Les prix de l’énergie connaissent une hausse affolante, conduisant le gouvernement et bien d’autres à réhabiliter le nucléaire comme ressource centrale, au nom de la souveraineté énergétique. Une aberration de plus quand on sait le coût financier de la construction, les coûts de la gestion des déchets et des démantèlements7.

Pour l’heure, c’est un fait, le prix du gaz a augmenté de 12,6 % au 1er octobre dernier et a grimpé de 57 % au cours de l’année 20218. Les prix de l’alimentation ne sont bien sûr pas en reste en raison du prix de l’essence pour l’acheminement des denrées9. Nul besoin de préciser que cette inflation a des conséquences immédiates sur les priorités d’achat de la classe travailleuse et sur la situation des plus pauvres… La croissance, vers laquelle les yeux de nos dirigeants nationaux et européens sont tournés, risque bien de rester un Dieu invisible en 2022 et notre dignité collective en prendre un coup.

Des politiques de pressions sur les travailleurs

Le gouvernement, à la fois sous la pression des prochaines échéances électorales et du spectre des Gilets jaunes qui le hante, n’a de cesse depuis l’automne d’éteindre tout nouveau foyers d’incendie social. D’où sa prime « inflation », d’où sa négociation éclair avec les syndicats de l’Éducation nationale au soir de la mobilisation du 13 janvier.

Pourtant, il prépare la suite avec une prudence de stratège qui va devoir manœuvrer dans un monde en crise pour préserver les intérêts de ceux qu’il représente : les banquiers, les riches et les millionnaires, et cela dans un contexte où les États nationaux perdent de leur puissance au profit d’alliances économiques interrégionales.

Car nul doute que les pressions vont être de plus en plus fortes sur l’ensemble de notre camp social dans les prochains mois pour que les profits soient préservés. Comme elles ont été ces dernières années. Depuis 2017, le gouvernement Macron a accéléré la casse de l’État providence et des services publics, commencée bien avant lui, avec les résultats que l’on sait à l’hôpital et dans l’éducation, tout en réprimant les luttes.

Cette forme de libéralisme autoritaire a pour but de casser les contestations et d’assurer la continuité des profits de la bourgeoisie et surgit quand l’idéologie libérale ne suffit plus pour emporter l’adhésion. Cette idéologie a pourtant tellement gagné de terrain ces dernières années, que c’est de façon presque évidente que l’État est devenu une providence… pour le patronat. Ainsi, le fonds de solidarité et le chômage partiel ont coûté 35 milliards d’euros aux finances publiques, tandis que le plan de modernisation de l’hôpital est, lui, de 19 milliards d’euros…, largement en deçà des besoins10.

Le MEDEF s’apprête à mettre en selle celui qui saura le mieux mettre en œuvre les politiques de destruction de la protection sociale, des services publics au profit d’une privatisation de tous les aspects de nos vies (voir article p. 22). Si les réformes dites « nécessaires » de la bourgeoisie, comme celle des retraites en France, se voient retardées par la crise sanitaire ou par des mesures d’apaisement social, la bourgeoisie pourrait perdre patience… et faire appel à des solutions plus autoritaires encore.

Le danger de l’extrême droite et une gauche institutionnelle affaiblie

L’extrême droite n’a jamais autant pesé dans les rapports de force nationaux depuis cinquante ans. La candidature de Zemmour déstabilise tout l’échiquier politique à droite de Macron, sans l’ébranler. Tout en rassemblant derrière lui des ultras, en partie déçus par la politique de dédiabolisation de Marine Le Pen, il cherche à fédérer les droites, contribuant à la surenchère sécuritaire, xénophobe et raciste. Pécresse ne s’est-elle pas empressée de « faire du Sarkozy » dès sa candidature annoncée ?

Si à l’avenir devaient se conjuguer une poussée importante des luttes et une incapacité à préserver les profits pour la minorité qui domine, le climat pourrait tout simplement passer de nauséabond à irrespirable…

D’autant que dans les urnes, l’opposition au bloc des droites qui va de Macron à Zemmour en passant par Le Pen et Pécresse, risque d’être bien trop faible et divisée pour faire barrage à des politiques anti-sociales et réactionnaires. Les sondages sont formels : la gauche (en comptant le PS !), c’est environ 26 % d’intentions de vote. Et ce n’est pas l’arrivée de Taubira dans la course qui va clarifier le paysage, bien au contraire.

Cette faiblesse est le résultat d’années de gouvernement par le renoncement pour le PS, pour le PCF aussi et les Verts. L’électorat déçu se détourne et s’abstient. Seul Mélenchon tire son épingle du jeu, lui qui n’a plus participé à un gouvernement depuis 20 ans, sans pour autant, à cette étape, convaincre…

La réponse à l’offensive des classes possédantes contre nos vies, contre le vivant, à la poussée politique haineuse de l’extrême droite pour diviser les travailleurs, ne peut être uniquement institutionnelle.

Renforcer et unir les luttes de tous les travailleurs

Si les vagues successives de l’épidémie ont été des freins aux mobilisations au cours des deux années, elles n’ont pas empêché les luttes de la jeunesse contre le racisme et en faveur du climat. Depuis quelques mois, c’est sur les questions sociales, en particulier salariales, qu’un regain de combativité se fait sentir. Ainsi, en janvier, les contestations et les revendications salariales se sont multipliées. On a pu compter la mobilisation des personnels de l’hôpital public le 11 janvier, celle des personnels de l’Éducation le 13 janvier, celle pour l’augmentation des salaires le 27 janvier, en plus des nombreuses mobilisations d’entreprise pour l’augmentation des salaires, essentiellement dans le commerce : Décathlon, Fnac, Leroy Merlin…

Certes, le gouvernement n’est pas

déstabilisé à cette étape, à peine Blanquer a-t-il senti le feu des critiques de ses collègues ministres. Le soleil d’Ibiza, où il était pour annoncer le énième protocole surréaliste sans aucun moyen supplémentaire, était presque plus ardent.

Pour l’instant ces luttes restent éparpillées, ne trouvent pas à s’unir derrière une bannière commune alors que les revendications ont toutes trait à une même évidence : « on veut des moyens pour vivre et travailler dignement ».

Tant au niveau politique qu’au niveau syndical, les organisations du mouvement ouvrier semblent avoir renoncé puis perdu du crédit, puis renoncé encore un peu, et encore perdu du crédit et de l’influence.

Et pourtant, l’urgence est là : résister à la course aux profits pour sauver nos vies soumises à la loterie. L’urgence est là : ne pas laisser le terrain à l’extrême droite.

Face à l’urgence internationale à tous les niveaux : économique, social, écologique, démocratique et politique, notre candidat dans cette campagne martèle la nécessité de prendre des mesures fortes contre le système capitaliste avec un programme sans concession.

Les luttes sont présentes, le ras-le-bol et la révolte aussi et doivent s’exprimer autour d’un programme capable de redonner confiance et dignité collective.

C’est ce que nous voulons porter dans cette campagne en proposant notamment :

• un salaire minimum à 1800 euros, la réduction du temps de travail, la retraite à taux plein à 60 ans, la création d’un million de postes statutaires dans les services publics ;

• la création de services publics de l’énergie et du médicament, l’arrêt du nucléaire et des industries polluantes en 10 ans et le développement des énergies renouvelables, la gratuité pour les besoins essentiels comme se loger, se déplacer, se nourrir, se chauffer, se soigner, étudier ;

• la réquisition des banques dans un monopole public bancaire et le contrôle démocratique du crédit et des investissements, la fin des paradis fiscaux et des politiques fiscales en faveur des riches.

Pour mettre en œuvre ces mesures d’urgence sociales, écologiques et économiques, nous aurons besoin de la force du nombre, de la détermination pour reprendre ce qui a été volé et accaparé par une minorité. Cela commence tout de suite, cela commence avec cette campagne présidentielle.