Publié le Mercredi 31 mai 2023 à 18h05.

Eau et centrales nucléaires : ça coince (aussi) !

Les défenseurs du nucléaire ne cessent de le marteler : cette filière est LA solution pour lutter contre le réchauffement climatique car peu émettrice de CO2. C’est aller un peu vite !

Ils oublient de dire que si les rejets de CO2 des centrales nucléaires sont effectivement très inférieurs à ceux des centrales thermiques fossiles (charbon, gaz, pétrole), ces technologies sont basées sur le même principe : chauffer de l’eau qui, transformée en vapeur, fait tourner une turbine dont l’énergie mécanique produit de l’électricité via un alternateur. Or, le rendement de cette opération se situe entre 31 % et 47 % pour les centrales à combustibles fossiles, et à environ 33 % pour les centrales nucléaires. Pour 3 mégawattheures (MWh) d’énergie primaire, une centrale nucléaire ne produit qu’1 MWh d’électricité et rejette 2 MWh de chaleur. 

Ce problème ne se pose pas avec les filières photovoltaïques et éoliennes qui ne passent pas par une production de chaleur soumise à un cycle thermodynamique.

Un besoin en eau accru pour évacuer la chaleur

Compte tenu de ce faible rendement, le parc nucléaire français rejette dans l’environnement une énorme quantité de chaleur inutilisée : en 2019 (année où il n’a fonctionné qu’à 71 % de ses capacités) 1, 820 térawattheures (TWh), soit plus du double de la consommation d’énergie finale pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire de la totalité des ­logements en France (350 TWh).

Les centrales ont besoin d’énormément d’eau pour évacuer cette chaleur : l’eau froide est prélevée dans un cours d’eau ou la mer, puis rejetée après avoir été chauffée, soit par évaporation dans l’atmosphère à travers les tours aéroréfrigérantes des réacteurs en circuit « fermé », soit sous forme liquide dans le milieu d’origine avec les réacteurs en circuit « ouvert ». Même pour ces derniers, une partie de l’eau finit par s’évaporer. Pour l’ensemble du parc nucléaire ce sont plusieurs centaines de millions de mètres cubes (Mm3) d’eau douce qui s’évaporent chaque année, ce qui est loin d’être négligeable par rapport aux prélèvements annuels pour l’eau potable (3 700 Mm3 d’eau souterraine et 1 800 Mm3 d’eau de surface). Global Chance estime2 que l’EPR de Flamanville et les 14 EPR2 annoncés par Macron entraîneraient une augmentation de 400 Mm3/an de l’eau douce évaporée.

Un réchauffement autour des centrales avec des conséquences

Le réchauffement n’est pas sans conséquences. La CRIIRAD nous apprend que, de l’aveu même d’EDF, plus de la moitié du réchauffement du Rhône de ces dernières décennies est dû aux centrales nucléaires qui y rejettent de l’eau chaude (8 réacteurs en circuit ouvert de Bugey, Saint-Alban et Tricastin). Les centrales en bord de mer ne sont pas en reste. D’après un article chinois de 2021, « l’augmentation des températures maritimes côtières causée par les centrales thermiques chinoises (principalement nucléaires mais également à charbon) concerne plusieurs dizaines à plusieurs centaines de km² autour de chaque site. Elle représente l’équivalent de plusieurs années à plusieurs décennies de l’augmentation liée au réchauffement climatique global »3.

Pour atténuer cet impact, des limites ont été établies : la température de l’eau rejetée et le réchauffement ne doivent pas dépasser une valeur propre à chaque site, sous peine de devoir diminuer la puissance du réacteur, voire de le mettre à l’arrêt. Problème : quand ces limites ont été fixées, le réchauffement climatique n’avait pas été anticipé. Lors de la canicule de 2003, afin d’éviter le blackout, des dérogations ont dû être accordées pour permettre à EDF de dépasser ces limites. Depuis, la situation ne cesse de s’aggraver, et les dérogations se multiplient. Les autorités envisagent d’assouplir les contraintes, et donc d’autoriser à réchauffer encore plus. Le nucléaire, une solution au réchauffement climatique, vraiment ?