Publié le Dimanche 10 août 2014 à 08h52.

Les révoltes des colonisés contre l’engagement forcé

En 1912, l’État français crée une armée noire pour augmenter les effectifs en vue de la guerre qui vient et conjoncturellement pour la conquête du Maroc. Dès août 1914, ces régiments participent aux combats.

Les besoins en hommes sur tous les fronts (occident et orient et même en Afrique pour occuper le Cameroun) s’accentuent rapidement, et le recrutement en Afrique devient un des enjeux du conflit : près de 190 000 Africains viendront « au secours de la France ».La résistance au recrutement forcé apparaît au Mali dès novembre 1914 sur le thème « nous ne donnerons pas aux blancs nos enfants pour en faire des tirailleurs et mourir loin de chez nous ».Lors de la levée de 5 000 hommes de février 1915, de nombreux jeunes désertent, se mutilent, et se suicident. En octobre 1915, c’est une levée de 50 000 hommes pour l’Afrique occidentale qui est organisée, moins de 5 % sont des volontaires.

Répression coloniale L’hostilité des populations au recrutement est absolue : plusieurs régions se révoltent. Dans le Beledougou (territoire Haut Sénégal-Niger), en février 1915, 200 villages entrent en rébellion contre le pouvoir colonial. Un des leaders sommé de se soumettre répond : « puisque nos fils doivent mourir, nous préférons qu’ils se fassent tuer à nos côtés ». Une colonne de répression de 350 soldats armés de canons et de mitrailleuses décime 5 à 6 000 révoltés armés de fusils à pierre et de lances, brûle des dizaines de villages.Dans la région du Volta et du Bani (Burkina Faso), l’annonce du recrutement massif déchaîne la haine accumulée contre le colonisateur en novembre 1915. La guerre fut d’une ampleur plus grande, puisque l’armée française dut finalement engager 5 000 soldats lourdement armés (6 canons, 4 unités de mitrailleuses et 5 000 porteurs) pour combattre entre 60 000 et 80 000 guerriers armés d’arcs et de flèches. Les premiers affrontements mettent en déroute les premières expéditions punitives. La guerre s’étend au-delà de la Volta, dans l’actuel Mali. En février 1916, une campagne de destruction systématique des villages est engagée, mais il faudra deux autres campagnes en avril et septembre pour venir à bout de ce mouvement insurrectionnel.

Patrick Le Moal

Lire notamment :– Des tranchées de Verdun à l’église Saint-Bernard, Bakari Kamian, Karthala, 2003– La guerre coloniale du Bani-Volta, 1915-1916, Patrick Royer, 2003