Publié le Mercredi 31 mai 2023 à 16h26.

Après l’attentat au Centre LGBTI de Touraine, les militantEs restent déterminéEs

Pour la sixième fois en moins de six mois, le Centre LGBTI de Touraine a été victime d’une attaque le 22 mai, et non des moindres. Un rassemblement en soutien à l’association située dans le centre de Tours a réuni près de 300 personnes le vendredi 26 mai. Le Centre propose accueil et entraide pour les personnes LGBTI en questionnement ou victimes d’agressions. Le point avec les militantEs.

Cette fois-ci, ce ne sont pas les boîtes aux lettres qui ont été détruites et la porte enfoncée, dégâts que le Centre observe bien trop souvent, mais c’est une bombe artisanale qui a été lancée par un individu alors que deux salariéEs et une bénévole se trouvaient à l’intérieur du local. Les victimes ont réussi à sortir avant l’explosion, mais une certitude subsiste : l’individu avait pour intention de blesser et d’intimider.

« Votre soutien nous va droit au cœur »

Bénévoles, éluEs et membres d’associations ont pu prendre la parole pour rappeler l’importance de ce type de lieu pour faire face aux agressions homophobes et transphobes, en hausse ces dernières années. Les chiffres, rappelés par Michel Navion, délégué régional de SOS Homophobie dont le rapport annuel est sorti le 16 mai, sont accablants : 184 cas d’agressions physiques en 2022, et plus de 1 500 témoignages d’agressions homophobes et transphobes via les dispositifs d’écoute, soit une augmentation de 28 % par rapport à 2021. Et ceci n’est que la surface émergée de l’iceberg : « Les personnes victimes d’agressions homophobes rechignent souvent à chercher de l’aide, de peur de se faire "outer" ou bien d’être mal reçues par les autorités », rappelle-t-il.

Lui comme les bénévoles du Centre ont apprécié que le rassemblement du 26 mai se soit organisé de manière si spontanée, et avec tant de monde : « Ça vaut la peine de se battre, être LGBTI c’est aussi beaucoup de joie. Votre soutien nous va droit au cœur », a déclaré Tatiana Cordier, ancienne co-présidente du Centre LGBTI de Touraine.

Il est vrai que nombre d’organisations faisaient flotter leur drapeau lors de ce rassemblement : l’Organisation de Solidarité Trans, l’UCL, Solidaires et le NPA étaient présents. Ainsi que des collectifs comme Actions Féministes Tours, Greenpeace et le Collectif anti­fasciste tourangeau.

Quentin Bouttet, co-référent aux actions extérieures du Centre, rappelle que « le conseil d’administration est toujours inquiet pour les bénéficiaires de l’association » mais que « les salariéEs comme les bénévoles restent déterminéEs malgré les menaces ». Il n’y a donc pas à douter que l’association ­continuera son œuvre d’entraide.

Mais qui sont les responsables ?

L’identité de l’agresseur, et donc son profil, étant toujours inconnu, les intervenantEs cherchent à trouver les raisons idéologiques derrière cet acte. Tatiana Cordier fustige « les médias réactionnaires qui relaient les théories anti-LGBTI, et qui engendrent de la haine envers ces populations », elle en appelle au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et au préfet d’Indre-et-Loire pour qu’ils mettent en place des politiques plus sérieuses afin de lutter contre la montée de ces agressions. De même pour Michel Navion qui souhaite que soit mises en place « comme ce qui peut se faire en Charentes-Maritimes et en Pyrénées-Atlantiques, des chartes signées avec les associations pour créer une liaison entre la police et les personnes victimes d’actes homophobes ». Élise Perreira-Nunes, adjointe au maire et déléguée à l’égalité des genres et à la lutte contre les discriminations, réitère le soutien de la mairie pour lutter contre la montée de cette violence : « Il y a encore des personnes "soulagée" d’être bien reçues au commissariat lorsqu’elles portent plainte, les personnes LGBTI doivent être mieux accueillies. »

Un son de cloche plus incisif

Après les prises de parole un peu plus institutionnelles, deux intervenants n’ont pas hésité à déclarer plus ouvertement que l’extrême droite était responsable de ce genre d’attaque. D’abord, Swan, porte-parole de l’Organisation de solidarité trans (OST), association féministe et matérialiste qui entend faire gagner de nouveaux droits pour les personnes trans via les luttes, l’a exprimé clairement devant la foule : « Les LGBTI sont les cibles privilégiées de l’extrême droite, mais aussi de la bourgeoisie : acharnement dans les médias, agressions fascistes dans les villes comme à Lille, Carnac, Lyon et aujourd’hui à Tours ». Le porte-parole dénonce la récupération de la Ville et la charte proposée par SOS Homophobie : « C’est un déchargement de leur responsabilité. Ce soutien des éluEs est un soutien de façade » avant d’ajouter que « les autorités ont toujours été contre nous ».

L’antifascime pour défendre les droits de minorités

Dans le même sens, une autre intervention est venue d’unE membre du Collectif antifasciste tourangeau (CAT), organisation antifasciste locale, restéE anonyme : « On ne compte plus les camarades agresséEs, et l’État ne fait rien. Pire, elle renvoie dos-à-dos les "extrêmes". Il nous faut un front antifasciste uni, cette bataille est à mener ensemble ». Après son intervention, une membre de l’OST a commencé à chanter : « Pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartiers pour les fachos ». Le slogan a été repris par l’ensemble des personnes rassemblées.

Concernant les attaques de l’extrême droite, Milou, bénévole du Centre, explique que ce n’est pas nouveau : « Pendant les présidentielles, des militants de Reconquête, le parti d’Éric Zemmour, sont venus au Centre jeter leurs tracts par terre en scandant des insultes homophobes. On trouve régulièrement leurs autocollants proches du local, c’est récurrent. »

Les sans-papiers aussi touchés par les agressions

Utopia 56 a également été soutenu par l’OST et le CAT. En effet, la nuit suivant l’attaque contre le Centre LGBTI de Touraine, leur local à Tours a été vandalisé. Alice, membre de l’OST explique : « Les trans comme les immigréEs sont les victimes de l’extrême droite. Il ne fait pas de doute que ces agressions viennent du même type de personnes. Nous nous battons également pour les droits des personnes sans-papiers, car beaucoup sont trans et cherchent un accès à la santé. Mais en raison de leurs conditions, iels ont du mal à trouver un hébergement et remplir les démarches administratives. Nombreuses sont celles à se tourner vers la prostitution pour survivre ». Et Swan de confirmer que « pour l’OST, la convergence des luttes est essentielle. »

Malgré la volonté des organisateurEs qu’Utopia 56 s’exprime lors de ce rassemblement, l’association a décliné. Mais iels sont tout de même venus apporter leur soutien.

La lutte contre les LGBTIphobies reste primordiale

Cet attentat au Centre LGBTI de Touraine montre le chemin qu’il reste à parcourir pour que la société accepte toutes les orientations sexuelles et identités de genre. Mais dans cette quête d’égalité, il y a deux visions qui s’affrontent : une qui cherche que les institutions s’adaptent ; une autre qui souhaite que l’obtention de nouveaux droits passe par la lutte.

À Tours, cette distinction prendra forme autour de deux Prides, complémentaires : le 17 juin à la date de la Pride nationale, festive, notamment soutenue par la mairie ; et une autre, le 1er juillet, la « Pride de lutte », organisée à l’initiative de l’OST qui souhaite faire transparaître le caractère hautement politique des questions LGBTI.

Pour faire un don au Centre LGBTI de Touraine : https://www.centrelgbt-touraine.org/faire-un-don