Publié le Lundi 5 octobre 2015 à 21h53.

Quelques mots sur la globalisation capitaliste, la crise écologique et le productivisme

Dans la discussion sur l'évolution du capitalisme et ce qu’il y a de nouveau aujourd’hui, deux éléments me paraissent essentiels : le quasi-achèvement de la globalisation capitaliste et l'explosion de la crise écologique et climatique.

 

Avec trois éléments qui marquent la globalisation capitaliste : 1/ l'extension du système capitaliste à l'ensemble du globe, mais aussi de la propriété privée à l'ensemble des activités humaines, 2/ une mondialisation du processus de production lui même et pas uniquement des échanges de marchandises, combiné à un éclatement de ce processus (voir le nombre de pays et d'entreprises différentes intervenant dans la production d'une même marchandise) 3/ une structuration mondialisée de la bourgeoisie au travers d'instances internationales para-étatiques, pour assurer sa domination politique et économique en tentant de tirer les leçons d'un siècle de crises, de guerres et de révolutions.

Même si les structures bourgeoises internationales sont des processus largement inachevés en comparaison avec la constitution des États-nations au XIXème siècle, qu’on est encore loin d’une gouvernance continentale ou mondiale de la bourgeoisie et que les concurrences inter-impérialistes sont toujours là, cela a nécessairement des implications sur sur le mode d'organisation des révolutionnaires, le programme transitoire et – même si ce sera l'objet du second débat – la stratégie de conquête du pouvoir. Cela questionne notamment la place donnée à l'échelon national, le « socialisme dans un seul pays » étant encore moins possible aujourd’hui qu’il y a 100 ans, même de manière transitoire.

 

L’aspect global des enjeux est d’autant plus renforcé par la crise écologique et climatique planétaire, qui si elle est nouvelle par son ampleur et les problèmes qu'elle pose, n'est pour autant que le fruit intrinsèque du développement du système capitaliste et de son caractère structurellement productiviste dès son origine. Certes, Bruno rappelle à juste titre que « du fait de l'appropriation privée capitaliste, le but de cette production n'est pas tant de "produire pour produire" mais bien de produire pour vendre, réaliser une plus-value, accumuler du capital »1, mais ce n'est pas contradictoire : la rentabilité capitaliste et l'accumulation de capital exigent un « cercle sans cesse élargi » (K.Marx), une croissance permanente. Il ne s'agit pas de répondre à une demande pré-existante mais d'augmenter sans cesse la production, quitte à créer artificiellement une demande solvable – par le biais de la publicité par exemple – pour pouvoir réaliser la plus-value. Autrement dit « la croissance illimitée de la production [...] pousse à la “production de nouveaux besoins et à la découverte et création de nouvelles valeurs d’usage” »2. C'est bien la production qui est à l'origine de la consommation et non l'inverse, c'est pourquoi il est illusoire de vouloir combattre la « société de consommation » par le biais de la consommation plutôt que de la production.

Or s'attaquer au productivisme ne sert pas juste à se différencier de la désastreuse expérience stalinienne – bien que ce soit indispensable – et certainement pas à jeter Marx aux orties (l'influence productiviste dans le mouvement ouvrier est plutôt à chercher du côté des conceptions lassaliennes, dont Marx fait une critique sans concession dans la Critique du programme de Gotha), il s'agit avant tout de pouvoir répondre à un enjeu très concret posé par la crise climatique : la nécessité scientifiquement établie de baisser drastiquement la consommation finale d'énergie et donc la production matérielle.

Face à cet enjeu, les courants dits de la « décroissance » ont raison d’attaquer le productivisme, mais ils le voient souvent comme un système en soi, sans comprendre qu'il est la conséquence structurelle du capitalisme. C'est tout le débat que nous avons avec eux et je ne pense pas qu'il y ait des « compromis inutiles avec les courants écologistes »3 (lesquels ?), mais toute la difficulté est d'éviter les cloisonnements thématiques pour garder une vision globale et arriver à mobiliser contre la racine du problème : le capitalisme et la propriété privée des moyens de production.

Enfin, soulignons que critiquer le productivisme ne signifie pas abandonner la perspective d'une société d'abondance, tant que l'on définit cette abondance comme la satisfaction pleine et entière des besoins sociaux (réels !), et non comme le gaspillage et la surproduction.

Une chose est certaine : cette situation nouvelle pose plus que jamais la nécessité d'une approche globale et radicale, d'une réactualisation stratégique permettant de répondre aux enjeux posés par le « capitalisme du XXIème siècle » et de l'abattre !

Ian (Toulouse)

  • 1. Bruno (NPA33),Donner à la question écologique son contenu révolutionnaire et socialiste (BI Stratégie n°1)
  • 2. Daniel Bensaïd,Marx, productivisme et écologie (octobre 1993)
  • 3. Bruno (NPA33), ibid