Publié le Vendredi 19 avril 2024 à 09h00.

Le candidat Biden, entre progressisme sur l’avortement et impérialisme réactionnaire

L’élection présidentielle américaine pourrait dépendre de deux questions et mouvements sociaux. Les attaques incessantes des Républicains contre le droit des femmes à l’avortement, dont la dernière en date a eu lieu en Arizona, devraient inciter davantage d’électeurEs à soutenir le candidat sortant lors de la prochaine élection présidentielle, mais cela suffira-t-il compte tenu de sa position sur Israël ?

 

La Cour suprême de l’Arizona, composée de sept membres nommés par les républicains, a statué le 9 avril que la loi de 1864 interdisant tous les avortements, à l’exception de ceux pratiqués pour sauver la vie de la mère, était à nouveau une loi de l’État. Cette loi a été adoptée avant que l’Arizona ne devienne un État et que les femmes n’y obtiennent le droit de vote, ce qui s’est produit en 1912. La loi de 1864, qui ne contient aucune disposition relative à l’avortement en cas de viol ou d’inceste, était restée en suspens jusqu’à ce que la décision Roe vs. Wade de la Cour suprême des États-Unis, qui prévoyait une protection fédérale de l’avortement, soit annulée en juin 2022.

L’Arizona est un État charnière crucial. Biden n’y a gagné qu’avec environ 10 000 voix d’avance sur Trump, soit une marge de 0,3 %. C’était la première fois qu’un candidat démocrate à l’élection présidentielle remportait l’Arizona depuis Bill Clinton en 1996, et la deuxième fois seulement depuis la victoire de Harry Truman en 1948. C’est pourquoi la décision de la Cour suprême de l’Arizona a horrifié les politiciens républicains et, malgré ses implications réactionnaires, enthousiasmé les démocrates, car les deux partis reconnaissent qu’elle aidera Biden et les démocrates lors de la prochaine élection présidentielle. Comme le disent Biden et sa colistière Kamala Harris dans leurs ­publicités télévisées, « c’est Trump qui a fait ça ».

Régressions et attaques répétées sur l’avortement

La décision de l’Arizona fait suite à un arrêt rendu au début du mois par la Cour suprême de Floride, qui a confirmé l’interdiction des avortements après six semaines de grossesse, une loi qui avait été adoptée par l’assemblée législative à majorité républicaine et signée par le gouverneur républicain Ron DeSantis. Étant donné que la plupart des femmes ne savent même pas qu’elles sont enceintes à six semaines, il s’agit en fait d’une interdiction totale des avortements. En Géorgie, la Cour suprême de cet État a pratiquement interdit la fécondation in vitro, ce qui a rendu plus difficile la tâche des femmes qui souhaitent recourir à la FIV. Tout cela montre clairement que les républicains représentent un danger pour les droits des femmes.

L’attaque des politiciens républicains contre les droits reproductifs des femmes, menée par la base chrétienne évangélique blanche du parti, a entraîné une forte réaction politique de la part des démocrates, des électeurEs indépendants et même de certains républicains. Au cours des trois dernières années, dans sept États politiquement différents — le Kansas, le Vermont, le Montana, le Michigan, le Kentucky, la Californie et l’Ohio —, les électeurEs ont, soit voté en faveur de l’inscription du droit à l’avortement dans la législation de l’État, soit rejeté les tentatives visant à le pénaliser. Lors des élections de 2023, les démocrates ont remporté des élections législatives ou des élections au poste de gouverneur où ils apparaissaient comme des défenseurs du droit des femmes à l’avortement. La plupart des analystes estiment que l’attaque contre l’avortement incitera davantage de femmes, de jeunes et d’électeurs des banlieues à se rendre aux urnes pour voter en faveur de Biden et des démocrates en novembre.

Les électeurEs de Biden lui retirent leur soutien à propos de la Palestine

Dans le même temps, cependant, le soutien continu de Biden à Israël dans sa guerre génocidaire contre les PalestinienEs — au moins 33 000 morts, dont 13 800 enfants — pourrait lui coûter l’État du Michigan, un autre État crucial pour l’élection présidentielle. Trump a été victorieux dans le Michigan en 2016. En 2020, Biden a remporté le Michigan avec 154 000 voix d’avance. Mais l’État compte quelque 300 000 électeurEs musulmans ou arabes. Il semble désormais probable que Biden a perdu le soutien de dizaines de milliers d’électeurEs arabes et musulmans du Michigan, ainsi que d’autres électeurEs arabes, jeunes et noirs qui pourraient soit ne pas participer à l’élection, soit voter pour un parti tiers. La contradiction entre la posture progressiste des démocrates en matière d’avortement et leur politique étrangère réactionnaire et ­impérialiste pourrait conduire à la défaite de Biden.

Traduction d’Henri Wilno