Publié le Samedi 2 août 2014 à 10h49.

BRICS Nouvelle banque et FMI, des rivalités émergentes

Le Fonds monétaire international (FMI) fêtait le 22 juillet son soixante-dixième anniversaire ainsi que celui de la Banque mondiale, tous deux nés des accords de Bretton Woods pour assurer le leadership des USA sur le monde de l’après Seconde Guerre mondiale...

Quelques jours avant, le 16 juillet se déroulait à Fortaleza, au Brésil, le sixième sommet annuel des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui ont signé un accord actant la création d’une « nouvelle banque de développement » et d’une réserve de change commune. « C’est une contribution importante pour la reconfiguration de la gouvernance économique mondiale », s’est félicitée la présidente brésilienne, Dilma Rousseff. Une réponse au refus des USA d’accepter toute réforme du FMI donnant plus de place aux BRICS au mépris des réalités économiques, un pas de plus dans la contestation par les puissances capitalistes émergentes du leadership américain.

Déploiement financier et politiqueLa banque de développement sera basée à Shanghai et aura pour objectif de financer de grands projets d’infrastructures dans les pays concernés et, à terme, dans d’autres pays émergents. Sa capitalisation de départ sera de 50 milliards de dollars, apportés par les cinq participants pour tendre vers les 100 milliards de dollars. Elle n’assortira pas ses prêts d’exigences contraignantes du genre des réformes structurelles ou de l’ingérence politique imposées par le FMI.À été également signé un « accord-cadre » instaurant une réserve de change commune. Doté de 100 milliards de dollars, dont 41 milliards versés par la Chine, 18 milliards par l’Inde, le Brésil et la Russie, et 5 milliards par l’Afrique du Sud, ce fonds pourrait être opérationnel dès 2015. Il permettrait à ses membres de se protéger en cas de tempête spéculative sur leurs devises, un geste politique de solidarité capitaliste dont l’efficacité serait probablement très relative... Poutine était présent au sommet en pleine crise ukrainienne. Il est aussi allé à Cuba et en Argentine. À Brasília, les dirigeants des BRICS ont rencontré des chefs d’État sud-­américains (l’Amérique latine a représenté près de 20 % des investissements étrangers de la Chine l’an dernier). Autant dire que pour les BRICS, la nouvelle banque est l’occasion d’un déploiement financier et politique. « Nous n’avons aucun intérêt à nous éloigner du FMI. Au contraire, nous avons intérêt à le démocratiser, à le rendre le plus représentatif possible. Notre relation avec le FMI est passée de celle de pays endetté à celle de contributeur. Pendant la crise de l’euro, nous avons contribué au pare-feu financier pour éviter que la situation n’empire. Notre relation avec le FMI est une relation d’indépendance », a résumé Dilma Rousseff. Certes, mais la fondation de la nouvelle banque est une arme dans la concurrence mondiale, une arme économique et politique pour un ensemble de pays qui, totalisant 40 % de la population de la planète, disposent d’énormes ressources naturelles et créent près de 30 % du PIB mondial.

Nouvel ordre mondial financier ?L’évolution des relations entre les BRICS et le FMI dépendra principalement de la Chine qui avance jusqu’alors en évitant toute arrogance. Son budget alloué à l’aide étrangère excède à lui seul celui de la Banque mondiale, qui, de fait, n’a plus la position dominante. La Chine développe par ailleurs un autre projet, régional, la Banque asiatique d’investissements en infrastructures, rivale directe de la Banque asiatique de développement (BAD) dominée par les Japonais. Complémentarité, disent les dirigeants chinois ainsi que Dilma Rousseff, une complémentarité à travers laquelle se construisent de nouveaux rapports de forces. L’ordre mondial décidé à Bretton Woods qui avait déjà été ébranlé entre 1968 et 1971, ne répond plus aux besoins du capitalisme libéral mondial taraudé par les rivalités et concurrences exacerbées  qui rendent caduque la domination que les USA voudraient perpétuer. La réponse des BRICS conteste cette hégémonie mais n’est en rien une issue à la crise globale engendrée par la course à la rentabilité financière. Cette réponse ne peut venir que de la réappropriation du capital par les peuples et leurs États, en expropriant les banques privées pour mettre en place un monopole bancaire et coordonner au niveau régional et mondial leur politique financière en fonction des besoins des populations. Une autre histoire...

Yvan Lemaitre