Publié le Mardi 7 mai 2024 à 10h32.

Valeurs de l’olympisme… et du capitalisme !

Le CIO (Comité international olympique) ainsi que le comité d’organisation se gardent bien de rappeler que le rituel du relais de la flamme n’est pas une invention antique. Il s’agit d’une création de toutes pièces du régime hitlérien à l’occasion des Jeux de Garmisch (hiver) et Berlin (été) en 1936.

 

Ces Jeux de 1936 ont été soutenus sans la moindre critique et avec grand enthousiasme par un CIO (dirigé par Avery Brundage, sympathisant nazi) et un Pierre de Coubertin viscéralement racistes, antisémites et misogynes. De quoi écorner le mythe de Jeux qui auraient eu des valeurs dans le passé, avant d’être dévoyés dans l’ère moderne par l’argent, la publicité et le professionnalisme. En 1968, les Jeux de Mexico, marqués par la manifestation iconique des militants des Black Panthers sur le podium, avaient été précédés une semaine avant leur ouverture par le massacre de 500 étudiantEs par l’armée, sans remettre en cause la tenue de la compétition.

Quelle que soit la façon dont les Jeux de Paris se dérouleront (chaotiques ou bien relativement fluides), ils ne seront pas un organe malade sur un corps sain, ils s’inscrivent bien dans un continuum historique, tout en en amplifiant et aggravant les travers.

Trente ans d’événements médiatiques de masse

L’ère moderne des Jeux olympiques commence à Barcelone, en 1992, avec l’ouverture pleine et entière aux athlètes professionnels.

Dès 1996, à Atlanta, c’est l’explosion délirante des budgets publicitaires et marketing (dans la ville de Coca Cola), et des droits télé. Et pour faire place nette, la démolition et l’expulsion de ghettos noirs situés en centre-ville. 

En 2004, ce sont les Jeux d’Athènes. Dans une ville chaotique, manquant de transports en commun, et dans un État miné par la corruption politique, les combines mafieuses et l’évasion fiscale, les scandales liés aux chantiers de construction tiennent le haut du pavé. Pour ces chantiers, achevés dans la précipitation quelques semaines avant l’ouverture, aucun plan de reconversion des sites n’était prévu. De nombreux travailleurs sans-papiers y trouvèrent la mort. Et construits de façon douteuse, ils ont commencé à se fissurer peu de temps après la fin des épreuves, laissant dans la capitale grecque des « éléphants blancs », carcasses de béton toujours à l’abandon vingt ans après. Cette compétition a eu en plus comme conséquence grave de laisser une dette abyssale au pays, qui contribuera grandement à la crise de 2010-2015.

Nettoyage social et oubli des droits démocratiques

En 2008, à Pékin, une sorte de summum du cynisme du CIO est atteint, qui laisse organiser les Jeux dans la plus grande dictature de la planète. Du fait de l’impossibilité même d’y enquêter, contester ou remettre en cause quoi que ce soit, sous risque de prison ou de mort, peu d’éditions des Jeux olympiques y sont comparables (à part Berlin en 1936 et Moscou en 1980). Les tentatives en Occident de sensibiliser à cette occasion au sort des minorités persécutées (Tibétains, Ouïghours) et des dissidents y sont vite étouffées par la volonté de nos gouvernements de ne pas se fâcher avec la Chine.

En 2012, à Londres, les polémiques et aberrations n’ont pas manqué : des agents d’entretien sous-payés et logés dans des baraquements insalubres, aux révélations sur l’achat de la compétition auprès du CIO, en passant par le prix des places, ainsi que l’état du réseau de transport, vétuste et saturé (en écho à Paris cette année). Édition marquée aussi un an avant, comme à Paris, par une grande révolte des quartiers populaires de Londres et d’autres villes, à la suite à l’assassinat d’un jeune Noir par la police. Le principal héritage des Jeux de Londres est d’accélérer la gentrification de la ville.

En 2016, à Rio, les autorités ont choisi la manière brutale pour « nettoyer socialement » la ville, en faisant démolir des favelas à coups de bulldozers et de répression sanguinaire par les commandos de la police militaire. Ainsi qu’en augmentant énormément le prix des titres de transport, ce qui provoquera de grandes mobilisations.

Les Jeux olympiques de la surveillance

Cette année, les Jeux de Paris réuniront ces dérives et scandales, tout en les amplifiant. Ainsi, parmi les scandales, les étudiantEs ont été expulsés de leur logement CROUS, des migrants sans-papiers ont été employés sur les chantiers, les sans-abris sont conduits hors de Paris, des bénévoles sont des salariéEs déguisés, sans parler des salaires délirants des membres du comité d’organisation, ou encore le passage du ticket unitaire de métro à 4 euros…

Ces Jeux innovent par l’utilisation, sans précédent dans une société dite démocratique, d’outils technologiques de surveillance de masse : QR codes pour se déplacer, drones, caméras à reconnaissance faciale.

Enfin, l’opération de gentrification également à l’œuvre au travers des travaux de transport du Grand Paris (utiles en soi, avoir des transports en commun étendus et efficaces est un service public essentiel) montrera dans les années à venir son ampleur inédite. 

De tels événements ne font pas l’objet de choix démocratiques, alors qu’ils impliquent toute la société. La façon dont ils sont imposés par en haut, sans tenir aucun compte des besoins et aspirations des populations directement concernées, ni des conséquences à court et long terme sur leurs conditions de vie, en dit long sur nos sociétés. 

Si nous ne sommes pas opposés par principe à l’organisation d’événements populaires autour du sport, leur conception par les capitalistes et les politiciens à leur service ne sont pas les nôtres.