Publié le Dimanche 23 juillet 2023 à 18h00.

Boxer comme Gratien, de Didier Castino

Éditions les Avrils, 2023, 320 pages, 22 euros.

Gratien, c’est Gratien Tonna, boxeur d’origine Maltaise, qui a quitté Tunis pour Marseille en 1967. Boxeur amateur en Tunisie, sa carrière explose en France dans les années 1970. Il est champion d’Europe de sa catégorie et il a même failli à deux reprises décrocher le titre de champion du monde.

Il connut la gloire et la fortune, il a côtoyé des stars de l’époque : Belmondo, Gabin, Delon, il a aussi fréquenté quelques voyous et a eu pas mal de déboires.

Sur ce boxeur mythique marseillais, aujourd’hui connu essentiellement par les plus anciens, aucune trace n’a été laissée : ni film ni livre. Pourtant Gratien a tout du personnage romanesque : du talent, une gueule, une ascension fulgurante, une chute vertigineuse.

Pas une simple biographie

Partant de ce constat, Didier Castino met en scène la rencontre entre Gratien Tonna et un écrivain marseillais, Hervé. En une journée, Hervé fait la connaissance non seulement du boxeur mais aussi de ceux qui l’aiment, ceux qui le suivent depuis ses premiers combats, qui ont cru en lui, qui l’ont connu au faîte de sa gloire, et qui l’ont soutenu lorsque tout le monde le lâchait.

Tous ceux qui savent que Gratien n’est pas un boxeur comme les autres et qui souhaitent raconter le Tonna qu’ils connaissent ! C’est tellement extraordinaire qu’un écrivain s’intéresse à lui qu’ils veulent que le livre qui sort de cette rencontre soit le plus juste possible. Il ne s’agit pas d’en faire une simple biographie qui mettrait des éléments factuels les uns à la suite des autres, parce qu’il est facile de raconter de manière un peu neutre des événements.

Sauf que Gratien Tonna, il « mérite » plus que ça, c’est ailleurs ce que dit son entourage, il mérite qu’on s’attarde sur sa personnalité, sur son enfance, sur sa générosité mais aussi sur ses blessures, Gratien c’est un homme entier, sans concession, qui a tout donné sur le ring, qui s’est mis à nu.

Rôle de l’écrivain

Hervé, c’est Castino. Et le procédé de mise en abime qu’il utilise lui permet d’interroger le rôle de l’écrivain, la complexité qu’il y a à dresser un portrait qui soit le plus juste possible d’un personnage, surtout lorsque celui-ci est réel, et les difficultés que l’écrivain rencontre pour être au plus près de lui, sans pour autant se l’approprier. Le recul qu’il faut pour réussir à imbriquer chaque élément, chaque facette afin de le comprendre sans le trahir.

Boxer comme Gratien est, malgré l’image très viriliste de l’univers de la boxe, une œuvre pleine d’humanité dans laquelle transparaît la fascination que l’auteur a pour ce boxeur issu d’un milieu populaire, qui a boxé comme il vit, sans fioritures et qui, bien qu’il ait une force de frappe extraordinaire, est un être vulnérable et sensible.

Le dernier roman de Didier Castino est, encore une fois, un vrai plaisir de lecture. Il sait, comme dans ses œuvres précédentes, dépeindre avec finesse et justesse des personnages que la vie n’a pas épargnés mais qui malgré tout continuent de vivre sans baisser la tête.