Publié le Samedi 4 novembre 2023 à 18h00.

Le Soulèvement des pigeons, de Jesse Miller

Éditions Le Passager clandestin, 2023, 128 pages, 12 euros.

Les éditions Le Passager clandestin, dans leur collection « Dyschroniques », ressort d’anciennes « nouvelles » de science-fiction ou d’anticipation. 

Ici, il s’agit d’un texte paru en 1972. L’histoire se déroule à Harlem, quartier noir de New-York, dans un futur non déterminé. Mais tout semble un peu pareil quand même : un quartier ghetto, le racisme, la pauvreté. Et puis un pouvoir moderne qui semble tout contrôler à distance, avec des opérations de nettoyage, de répression qui se font par des méthodes sophistiquées. Mais pas tant que ça. Même quand tout semble sous contrôle, rien n’empêche que du côté des oppriméEs il y ait l’envie de se révolter, de faire face à l’oppresseur, de ne plus subir. L’ambiance est bizarre, un peu comme dans le 1984 de Georges Orwell ou le Brazil de Terry Gilliam. 

Un futur qui inquiète, sauf que c’est un futur qui part de la situation déjà très dure vécue par l’auteur dans les années 1950, 1960 et 1970 aux États-Unis. D’ailleurs, après la nouvelle, il y a une postface très intéressante qui présente l’auteur et situe le texte comme la période, racontant les nombreuses émeutes dans les quartiers populaires, les quartiers noirs dans les grandes villes étatsuniennes, avec la misère, les discriminations, le racisme, les violences de la société et avec la puissance de la colère et des révoltes qui avaient poussé le pouvoir à commencer (seulement) à apporter des réponses sociales contre la pauvreté et contre le racisme. 

Ce livre, la nouvelle et le texte explicatif, nous rappelle inévitablement la situation que nous avons connue tout récemment avec les émeutes de la jeunesse dans les quartiers populaires de nombreuses villes en France. La légitimité de la colère contre le racisme et l’exclusion tout comme le mépris du gouvernement qui, on l’a vu ces derniers jours, se situe dans une véritable guerre de classe des dominants contre les pauvres, ayant seulement des réponses répressives. Pas compliqué de faire de l’anticipation : tant qu’il y aura de la misère et du racisme, du mépris et de l’injustice, il y aura de la révolte insurrectionnelle contre la domination insupportable pour qu’un jour le monde change vraiment, c’est la seule issue. En attendant, les nouvelles comme celle de Jesse Miller sont chouettes à lire.