Publié le Jeudi 20 juillet 2023 à 08h58.

Les Filles d’Olfa, de Kaouther Ben Hania

Film franco-arabe, 1 h 47 min, sorti le 5 juillet 2023.

Un film singulier sur la détermination de ces personnages féminins à lutter contre toutes les violences subies pour le simple fait d’être née femme qui vous happe littéralement. Les deux précédents films de la jeune réalisatrice, À peine j’ouvre les yeux et La Belle et la meute étaient déjà deux formidables coups de poing sur la situation des femmes en Tunisie. Et de trois !

Un dispositif inédit

Cette fois, Kaouther Ben Hania a pris un maximum de risques pour accompagner, provoquer la libération de la parole d’Olfa et ses filles. Cette famille de 4 filles élevées par leur mère a été à la une lors de la disparition des deux filles ainées. La réalisatrice a proposé à Olfa, Eya et Tayssir de mettre en scène leur histoire devant sa caméra. Avec l’aide active de trois comédiennes pour jouer les absentes tellement présentes, Ghofrane et Rahma mais aussi Olfa dans les scènes trop pénibles à assumer. Et d’un acteur pour incarner tous les hommes de leur vie. Aide active car les actrices et l’acteur par l’exercice de leur métier permettent à Olfa et ses filles de devenir actrices de leur propre histoire. Mais en retour les joies, les cris et les douleurs ainsi partagés mettent en jeu leur propre vécu et ressenti, également captés par la caméra. Entre souvenirs, reconstruction, peut-être mensonges, les personnages livrent leurs douleurs à vif pour construire une compréhension commune de la trajectoire de femmes en lutte permanente.

Une histoire singulière aux échos multiples

Une histoire inscrite dans la Tunisie de Ben Ali, avec les assignations patriarcales à la « libération des femmes » sur un modèle post-colonial de toute manière inaccessible aux femmes des milieux populaires à un vrai processus de libération personnel dans le contexte du processus révolutionnaire de 2011. Mais une libération vécue par Olfa de manière tellement chaotique qu’elle devient source de nouvelles violences pour ses filles. Et l’absence de projet émancipateur laisse la place aux doutes et finalement à des voix réactionnaires dont le projet de domination s’exerce immédiatement contre les femmes. Se défendre, protéger ses filles en tâtonnant, et souvent violemment, sans pouvoir compter sur quiconque jusqu’à ce que ce film devienne un cadre dans lequel mettre en mot et en acte l’amour qui les fait tenir. La quête et la conquête de l’estime de soi dans le regard de la caméra donne à chacune de ces femmes une force et une beauté bouleversantes et communicatives.