Publié le Dimanche 3 mars 2024 à 08h00.

Pourquoi les femmes ont une meilleure vie sexuelle sous le socialisme, de Kristen Ghodsee

Plaidoyer pour l’indépendance économique. Traduit de l’anglais par Charlotte Nordmann et Laura Raim. Lux éditeur, 2020, 256 pages, 10 euros.

Quel rapport entre socialisme, partage des tâches et épanouissement sexuel ? En compilant plus de vingt ans de recherches sur la condition des femmes avant et après l’effondrement du bloc de l’Est, Kristen Ghodsee nous amène, dans ce livre paru en 20201 et qui sort le 7 mars en version poche, à considérer en quoi le capitalisme nuit, surtout, gravement aux femmes. 

Féminisme et socialisme

S’il est courant de penser que les grandes avancées féministes sont le fait de sociétés capitalistes, c’est bien dans le bloc de l’Est, et malgré des disparités au sein des différents pays, que des droits tels que l’avortement, le divorce, la contraception, l’accès à l’emploi ou à l’éducation des femmes ont été acquis. C’est d’ailleurs souvent en réaction à ces avancées que les pays de l’Ouest se sont alignés : beaucoup de progrès scientifiques étant le fait de femmes soviétiques éduquées, il était indispensable d’élargir, à l’Ouest aussi, le champ des possibles. Dans des pays où les frais de garde, de soin, ou encore d’éducation étaient à la charge de l’État, où le retour à l’emploi à la suite du congé maternité était garanti, il était d’autant plus simple pour une femme de ne pas choisir entre carrière et vie de famille, et de ne pas se vendre comme simple marchandise. 

Le capitalisme jusque dans la chambre à coucher

Dans une société où tout se paye, la garde de jeunes enfants ou de parents malades incombe généralement aux femmes. Dès lors, il est presque impossible de choisir de travailler suffisamment pour gagner sa vie et le seul choix viable reste de trouver un homme pour subvenir aux besoins de la famille. Dans cet état de fait, impossible de quitter un mari violent, ou pour lequel il y aurait simplement désamour. Le sexe devient une monnaie d’échange au sein du couple, échange dans lequel la femme vend son corps contre sa subsistance. Dans un tel déséquilibre de rapport, l’épanouissement sexuel des femmes est souvent la dernière des préoccupations, la récompense n’étant pas son plaisir mais sa rétribution implicite. De nombreuses études relayées au fil de ces pages rapportent d’ailleurs que les femmes de l’ancien bloc de l’Est étaient globalement plus heureuses et libres, sur ce point-là, avant la chute du mur. 

À travers des anecdotes personnelles, des sondages et des études sociologiques, ce livre de Kristen Ghodsee nous démontre en quoi, définitivement et sur tous les plans, le féminisme sans lutte des classes, c’est du développement personnel.

Cyrielle L.A.